Lartiste par son statut particulier dans la sociĂ©tĂ©, son gĂ©nie, son pouvoir crĂ©atif et d’autre part son statut professionnel incertain qui l’oblige Ă  vivre de commande, d’ĂȘtre protĂ©gĂ© par un mĂ©cĂšne peut le mettre en marge de la sociĂ©tĂ© et du quotidien. Aussi, ce statut, l’artiste ne l’a pas choisi, c’est la sociĂ©tĂ© qui l’a obligĂ© Ă  rester en marge. Il ne faut Chers fans de CodyCross Mots CroisĂ©s bienvenue sur notre site Vous trouverez la rĂ©ponse Ă  la question Mode de vie des artistes en marge de la sociĂ©tĂ© . Cliquez sur le niveau requis dans la liste de cette page et nous n’ouvrirons ici que les rĂ©ponses correctes Ă  CodyCross Saisons. TĂ©lĂ©chargez ce jeu sur votre smartphone et faites exploser votre cerveau. Cette page de rĂ©ponses vous aidera Ă  passer le niveau nĂ©cessaire rapidement Ă  tout moment. Ci-dessous vous trouvez la rĂ©ponse pour Mode de vie des artistes en marge de la sociĂ©tĂ© Mode de vie des artistes en marge de la sociĂ©tĂ© Solution BOHÈME Les autres questions que vous pouvez trouver ici CodyCross Saisons Groupe 76 Grille 4 Solution et RĂ©ponse.
Alors quand la télévision ne fait que nous pousser à la consommation, comme les magazines, la radio, les affiches sur les abris bus ou les bùtiments; ça m'plait pas. D'autant qu'on est influencés , que dis-je manipulés par les lobbyistes; dans le seul but de les enrichir, quitte à le payer de notre santé.

1Ce chapitre se propose d’éclairer le rĂŽle de l’art et des artistes dans les sociĂ©tĂ©s française, espagnole et anglaise du xviie siĂšcle. Le xviie siĂšcle voit dans les pays considĂ©rĂ©s l’affirmation de l’écrivain et de l’artiste qui doivent leur place sociale nouvelle aux fonctions que leurs Ɠuvres remplissent, au service des pouvoirs spirituels et temporels. Lettres et arts partagent au xviie siĂšcle un mĂȘme souci de la rhĂ©torique, c’est-Ă -dire du maniement des moyens de faire voir et comprendre Ă  autrui, pour la plus grande gloire du souverain, de la religion, ou la dĂ©lectation d’un collectionneur. L’existence de modĂšles et de rĂšgles, la plupart issus de l’AntiquitĂ© et sans cesse retravaillĂ©s, Ă©loigne Ă©galement l’artiste du xviie siĂšcle de notre idĂ©al romantique du crĂ©ateur original, voire incompris. 2Aussi convient-il dans un premier temps de tracer un portrait d’ensemble de la condition des artistes qui restitue leur place particuliĂšre dans la sociĂ©tĂ©. Il s’agit d’un monde hiĂ©rarchisĂ©, notamment en France au sein des structures acadĂ©miques, bien que ces derniĂšres n’exercent jamais qu’un contrĂŽle imparfait sur l’activitĂ© artistique. Dans un deuxiĂšme temps, on s’attachera Ă  comprendre comment le dĂ©veloppement des collections et du marchĂ© de l’art modifie les anciens liens de dĂ©pendance par rapport Ă  la commande publique et privĂ©e. On assiste au xviie siĂšcle Ă  une transformation de la valeur du produit artistique, parallĂšle Ă  l’émergence de l’individu social artiste ». Une troisiĂšme partie se propose, Ă  la lumiĂšre des conditions de production de l’Ɠuvre esquissĂ©e jusqu’ici, de s’interroger sur la reprĂ©sentation de la sociĂ©tĂ© dans les arts. Quelques exemples permettront de rappeler l’intĂ©rĂȘt mais aussi les problĂšmes posĂ©s par les documents littĂ©raires et artistiques en histoire sociale. IdentitĂ© de l’art et des artistes Émergence des notions d’art et de littĂ©rature. Promotion sociale de l’artiste 3On voit indĂ©niablement se prĂ©ciser les statuts de l’artiste et de l’écrivain au xviie siĂšcle, avec une chronologie et des incidences diffĂ©rentes d’un pays Ă  l’autre. Ce mouvement prend naissance dans la Renaissance italienne, deux siĂšcles plus tĂŽt, Ă  travers une institution bientĂŽt officialisĂ©e et protĂ©gĂ©e par les princes, l’acadĂ©mie. La premiĂšre rĂ©union d’humanistes voulant faire revivre les rĂ©unions de Platon et de ses disciples dans les jardins d’AkadĂ©mos est celle initiĂ©e par Marsile Ficin et Pic de la Mirandole Ă  Florence sous le rĂšgne de Laurent le Magnifique. Le mouvement acadĂ©mique va prendre une grande ampleur en Italie au xvie siĂšcle on y compte pas moins de 500 acadĂ©mies vers 1530. Elles se spĂ©cialisent et acquiĂšrent un statut officiel avec devises, rĂ©unions rĂ©guliĂšres, voire enseignement. D’abord nettement philosophiques et littĂ©raires, en opposition Ă  l’enseignement universitaire, des acadĂ©mies de peinture et de sculpture voient le jour, en opposition aux contraintes des corporations, avec le soutien des princes. CĂŽme de MĂ©dicis prĂ©side l’Academia fiorentina créée en 1540 et l’Accademia del disegno créée en 1563. Par un dĂ©cret de 1571, il libĂšre les artistes de son AcadĂ©mie des obligations corporatives. De la mĂȘme maniĂšre, Ă  Rome, la crĂ©ation de l’AcadĂ©mie de Saint-Luc, protĂ©gĂ©e par le cardinal BorromĂ©e, est le signe et le moyen d’une promotion des peintres, puisque, par une abondante production thĂ©orique, elle s’efforce de creuser la distance entre le travail manuel de l’artisan et le travail conceptuel de l’artiste la peinture est d’abord cosa mentale » une production de l’esprit. Comme le poĂšte, l’architecte, le peintre ou le sculpteur affirment que leur art est libĂ©ral » et non mĂ©canique ». Voir le plaidoyer prononcĂ© en 1667 par Nicolas Lamoignon pour le recteur de l’AcadĂ©mie, GĂ©rard Von Opstal qui rĂ©clamait le paiement d’ouvrages pour lesquels, selon le rĂšglement des mĂ©tiers, il y avait prescription N’a-t-on pas sujet Ă  dire que les peintres sont inspirĂ©s par quelque divinitĂ© aussi bien que les poĂštes ? Et que pour donner la vie Ă  des choses inanimĂ©es, il faut ĂȘtre en quelque sorte au-dessus de l’homme ? » La promotion des uns induit une dĂ©valorisation des mĂ©tiers demeurĂ©s au sein des corporations et des querelles infinies entre anciennes et nouvelles institutions. Les acadĂ©mies, qui contrĂŽlent les artistes, leur assurent en Ă©change libertĂ© et supĂ©rioritĂ© par rapport aux autres artisans. Christian Jouhaud a montrĂ© que les auteurs trouvent paradoxalement une autonomie croissante Ă  l’intĂ©rieur d’une dĂ©pendance de plus en plus forte par rapport au pouvoir 1 Dotoli G., LittĂ©rature populaire et groupe dominant. Évasion et contre-Ă©vasion chez Adam Billaut ... 2 La Roque de la LontiĂšre G. A., TraitĂ© de la noblesse, Paris, E. Michalet, 1678, p. 413, citĂ© ibide ... 4Les artistes en viennent donc Ă  occuper ou Ă  ambitionner une place sociale particuliĂšre en raison du lien qu’ils entretiennent avec le pouvoir, mĂȘme si, comme nous le verrons, tous n’appartiennent pas Ă  une structure officielle de type acadĂ©mique et mĂȘme si les artistes de cour constituent une minoritĂ© enviĂ©e. Hommes de lettres et praticiens des arts libĂ©raux sont animĂ©s, certes Ă  des degrĂ©s divers, d’une volontĂ© de distinction sociale. Si la pratique d’un art anoblit, elle pose le problĂšme de la distribution sociale des talents. Un homme du peuple peut-il ĂȘtre poĂšte ? Une origine ignoble ne s’oppose-t-elle pas Ă  la pratique d’un art ? La carriĂšre d’Adam Billaut, poĂšte menuisier, analysĂ©e par Giovanni Dotoli permet au moins de poser la question. Une des plus rares choses du siĂšcle », selon l’abbĂ© de Marolles qui l’a dĂ©couvert, ce fils de paysans pauvres, menuisier Ă  Nevers, a formĂ© sa muse au catĂ©chisme paroissial, Ă  la lecture des livres de colporteurs et des almanachs populaires. En 1636 il rencontre Ă  Nevers l’abbĂ© de Marolles, ancien prĂ©cepteur et bibliothĂ©caire de la duchesse Marie de Gonzague. Cette rencontre est dĂ©cisive en 1638 il est Ă  Paris, il obtient une pension de Richelieu et du chancelier SĂ©guier, qui ne sera cependant jamais versĂ©e. Il se met Ă  l’école des libertins et connaĂźt un succĂšs Ă©phĂ©mĂšre dans la capitale. DĂšs son deuxiĂšme sĂ©jour Ă  Paris 1640, il est en butte aux sarcasmes de ses collĂšgues. ScudĂ©ry, dans l’Approbation du Parnasse qui prĂ©cĂšde son premier recueil, les Chevilles 1644, s’interroge ainsi Quel Dieu t’a rendu son oracle ?/[
] Dois-tu passer dans l’univers/Pour un monstre ou pour un miracle/O prodige entre les esprits/Qui sait tout et n’a rien appris1. » Bien vite, on va trancher pour le monstre plutĂŽt que pour le prodige. Au moment de la naissance de l’artiste par la valorisation de l’étude et du savoir, on rĂ©pugne Ă  admettre dans la sociĂ©tĂ© des poĂštes un artisan, que la pratique et l’appĂ©tit du gain nĂ©cessaire Ă  sa subsistance rend comme esclave, et ne lui inspirent que des sentiments de bassesse et de subjection incompatible avec ceux d’un gentilhomme2 ». L’approbation du Parnasse n’a guĂšre durĂ© ; l’échec de Billaut tĂ©moigne du souci de distinction sociale des littĂ©rateurs parisiens et de leurs protecteurs. Le poĂšte menuisier menace les efforts de promotion des arts, insĂ©parables d’une dĂ©valorisation des mĂ©tiers. G. Dotoli estime que l’Ɠuvre de Billaut confirme que l’opposition entre culture populaire et culture savante est absolument insoutenable ». Au contraire, on pourrait utiliser l’échec du poĂšte menuisier pour montrer une sĂ©paration croissante dans la France du xviie siĂšcle entre culture populaire et culture des Ă©lites, culture de rĂ©fĂ©rence Ă  partir de la formation humaniste, [
] culture Ă©loignĂ©e de tout ce qui est concret, du monde des mĂ©tiers, de tout ce qui est dĂ©sormais jugĂ© vulgaire, sale ou ridicule » Rioux et Sirinelli. 5On voit ainsi se dessiner une conscience sociale, mĂȘme si les artistes entretiennent des liens familiaux forts avec le monde des mĂ©tiers urbains. Le pĂšre de Puget est maçon, celui de Girardon fondeur ; Shakespeare est le fils d’un boucher de Stratford-sur-Avon. On trouve, dans les alliances familiales de Charles Le Brun, beaucoup de peintres et de sculpteurs, mais aussi des Ă©crivains, des tapissiers, des charpentiers et des fondeurs. Le peintre et architecte Inigo Jones, qui domine l’art anglais dans la premiĂšre moitiĂ© du xviie siĂšcle, est fils de tailleur et reçoit une formation de peintre, costumier et dĂ©corateur de théùtre. La solidaritĂ© est renforcĂ©e par des mariages, qui permettent les collaborations entre beaux-pĂšres et gendres et entre beaux-frĂšres ; les fratries sont nombreuses Vouet, Boullogne, Anguier
. Une relative mobilitĂ© permet en France Ă  des fils d’artistes d’embrasser la carriĂšre juridique et des artistes peuvent descendre de petits officiers les Le Nain. Une volontĂ© de distinction s’observe dans les gĂ©nĂ©alogies romancĂ©es que se forgent des familles d’artistes Ă  succĂšs, comme les Mansart, qui prĂ©tendent descendre d’un mythique chevalier romain, chargĂ© par Hugues Capet d’édifier des monastĂšres. Il se lit aussi dans la rĂ©alisation d’autoportraits, individuels ou familiaux, dans lesquels les artistes se reprĂ©sentent en costumes soignĂ©s, avec des attributs du savoir livres, de la sociabilitĂ© Ă©lĂ©gante ou des arts libĂ©raux musique, mathĂ©matique. 6Il faut souligner que la promotion des artistes reste un phĂ©nomĂšne trĂšs limitĂ© en Espagne, oĂč leur position sociale est peu enviable malgrĂ© la rĂ©flexion sur la noblesse des arts et les procĂ©dures engagĂ©es par exemple pour faire reconnaĂźtre Ă  la peinture le statut d’art libĂ©ral, procĂ©dures encouragĂ©es par des hommes de lettres comme Calderon J. Gallego. La plupart des peintres vivent dans une grande pauvretĂ© et une part importante de leurs revenus provient de la dorure et de la mise en couleur des sculptures religieuses, le plus souvent polychromes. Ils ne s’émancipent que difficilement. De cette situation tĂ©moigne par exemple Le Vendeur de tableaux de JosĂ© Antolinez v. 1670, Munich, Alte Pinakothek oĂč l’on voit un homme en guenille, le marchand tratante, visiter l’atelier du peintre, oĂč rĂšgne le plus grand dĂ©nuement et lui acheter une copie d’une Vierge Ă  l’Enfant de Scipion Pulzone. 7Les plus ambitieux des artistes espagnols cherchent donc Ă  Madrid une meilleure reconnaissance. De mĂȘme, l’installation Ă  Paris tĂ©moigne d’une volontĂ© d’ascension vers le statut d’artiste. David Maland a calculĂ©, sur un Ă©chantillon de 200 auteurs pour chaque siĂšcle, que 70 % des littĂ©rateurs français meurent en province au xvie siĂšcle, contre 48 % seulement au xviie siĂšcle. La mobilitĂ© caractĂ©rise dans une large mesure les artistes, qui se dĂ©placent pour suivre la commande, dans les arts plastiques, ou le public, dans les arts de la scĂšne. Quelques centres, caractĂ©risĂ©s par la prĂ©sence de la cour, se renforcent Rome, Paris, et, dans une moindre mesure, Madrid. Si les artistes constituent un milieu solidaire, il n’est pas pour autant fermĂ© ; les Ă©trangers, surtout les Italiens et les Flamands, dominent la scĂšne picturale anglaise, et, pour une bonne partie du siĂšcle, espagnole. La piĂštre considĂ©ration portĂ©e aux peintres nationaux est cause, selon le peintre et historien de l’art Jusepe MartĂ­nez, de l’exil dĂ©finitif d’Antonio Ribera Ă  Naples. Nationaux et Ă©trangers contractent ensemble des mariages. Chez les peintres, les sculpteurs et les architectes, le voyage, en particulier le voyage d’Italie, est un Ă©lĂ©ment essentiel de formation. En Angleterre, la rupture dĂ©cisive avec l’art de la fin du Moyen Âge est le rĂ©sultat du voyage d’Inigo Jones en Italie, en 1615, oĂč il accompagnait le comte d’Arundel. Cinquante ans plus tard, Christopher Wren visite les Provinces Unies, les Pays-Bas et la France. En France, on date traditionnellement du retour de Rome de Simon Vouet, en 1627, la naissance de l’école française. Les peintres espagnols voyagent peu en Italie, en revanche, les Français se retrouvent en nombre Ă  Rome, oĂč ils font quelquefois carriĂšre pendant plusieurs annĂ©es, voire s’y installent dĂ©finitivement Nicolas Poussin, Claude Lorrain. Vers 1600-1620, le mode de vie des peintres qui se retrouvent autour de la Piazza del Popolo, Ă  Rome, prĂ©figure dĂ©jĂ  celui des sociĂ©tĂ©s d’artistes telles qu’on les connaĂźtra jusqu’au Montparnasse des annĂ©es 1920, avec son recrutement international, ses lieux d’échanges les ateliers, les tavernes, sa libertĂ© de recherche artistique et de mƓurs. De la mĂȘme maniĂšre on voit se dĂ©velopper la sociabilitĂ© littĂ©raire autour des cabarets, certains investis par un groupe particulier, comme les libertins qui, Ă  Paris, se retrouvent À la Pomme du Pin, Au Cormier ou encore À la Fosseaux-Lions. Organisation des artistes et diffĂ©rences des carriĂšres 8Le xviie siĂšcle est un moment de thĂ©orisation et de hiĂ©rarchisation des arts et des artistes. La notion fondamentale est celle de genre. Le genre est en art et en littĂ©rature une sĂ©rie homogĂšne d’Ɠuvres rĂ©pondant Ă  des attentes dĂ©terminĂ©es et tendant Ă  se fixer par la reproduction de modĂšles Ă©prouvĂ©s. BĂ©rĂ©nice de Racine ou la Princesse de ClĂšves de Mme de Lafayette ont Ă©tĂ© critiquĂ©s parce qu’ils mĂ©langeaient les genres. Une hiĂ©rarchie trĂšs forte met au premier rang, en vers, l’épopĂ©e et la tragĂ©die, en prose, l’éloquence. Le roman est au bas de l’échelle et ses praticiens cherchent Ă  l’anoblir en lui confĂ©rant des rĂšgles. En peinture, se met en place progressivement une dĂ©finition et une hiĂ©rarchisation des genres, la peinture la plus noble et la plus prestigieuse Ă©tant la peinture d’histoire sacrĂ©e ou profane. Ces rĂ©flexions se dĂ©veloppent au sein des acadĂ©mies. 9Le systĂšme des AcadĂ©mies en France cherche Ă  mettre l’action des artistes au service de l’État. En crĂ©ant un discours cohĂ©rent sur la langue et le goĂ»t, les acadĂ©mies contribuent Ă  crĂ©er une culture commune aux Ă©lites et un consensus autour du pouvoir royal, que tous les arts sont chargĂ©s de cĂ©lĂ©brer. Unissant les artistes dans des institutions contrĂŽlĂ©es par l’État, les AcadĂ©mies engendrent une vĂ©ritable rĂ©volution dans la centralisation et la hiĂ©rarchisation des arts. 10L’AcadĂ©mie française reste le modĂšle de toutes les acadĂ©mies. Créée en 1634 par un groupe de lettrĂ©s, officialisĂ©e par Richelieu, son rĂŽle est d’institutionnaliser la langue commune de la nation. Il s’agit de mettre en place un lissage de la langue, de donner un langage commun. Chaque discours s’achĂšve par l’apologie du monarque. À l’image de l’AcadĂ©mie française, l’AcadĂ©mie royale de peinture et sculpture est créée en 1648. Le principe de sa fondation en est un peu diffĂ©rent, Charles Le Brun et d’autres artistes conçoivent une AcadĂ©mie placĂ©e sous la protection du chancelier SĂ©guier pour que les peintres puissent s’affranchir de la tutelle de la maĂźtrise qui succĂšde aux corporations mĂ©diĂ©vales. Elle fonde son enseignement sur le dessin et le modĂšle vivant, Ă  l’image de l’acadĂ©mie que les Carrache avaient fondĂ©, Ă  la fin du xvie siĂšcle, Ă  Bologne. L’institution rompt avec les pratiques corporatistes, par l’utilisation du dessin et l’approche directe de la nature, et donne un statut libĂ©ral Ă  la peinture qui n’est pas seulement affaire d’imitation. En 1663, Louis XIV restructure l’institution en la hiĂ©rarchisant. Son rĂŽle doctrinal est affirmĂ©. Il nomme Le Brun chancelier permanent. En 1668, l’artiste cumule les fonctions de chancelier et de recteur, enfin, en 1683, il est nommĂ© directeur. On assiste Ă  la mise en place d’expositions prĂ©vues normalement tous les deux ans et accompagnĂ© d’un livret, ancĂȘtre des catalogues. Mais il n’y en aura que dix sous Louis XIV. 11Un rĂŽle de coordinateur » est assurĂ© par la Petite AcadĂ©mie fondĂ©e en 1663. Elle comprend cinq membres reprĂ©sentant des cinq arts. Elle administre l’ensemble de la production intellectuelle et tient lieu de direction gĂ©nĂ©rale de la vie culturelle. Elle est dirigĂ©e par un conseil restreint dĂšs sa crĂ©ation les hommes de lettres Bourzeis, Cassagne, Chapelain et Perrault. C’est l’Ɠil du pouvoir sur la production intellectuelle française. Ce rĂŽle de coordination limite la libertĂ© et l’originalitĂ© dans la crĂ©ation. La petite AcadĂ©mie contrĂŽle tout, elle chapeaute l’ensemble des institutions. La souplesse de sa structure s’oppose Ă  la rigiditĂ© hiĂ©rarchique des autres AcadĂ©mies. Celles-ci, d’ailleurs, ne sont pas seulement des AcadĂ©mies artistiques Ă  l’image de l’AcadĂ©mie d’escrime. La petite AcadĂ©mie n’a pas de rĂšglement avant juillet 1701, aprĂšs cette date, elle devient officiellement l’AcadĂ©mie des inscriptions et des mĂ©dailles. 12À partir de 1661, on assiste Ă  une institutionnalisation de tous les arts sous Louis XIV les maĂźtres Ă  danser, puis les musiciens et les danseurs se fĂ©dĂšrent en AcadĂ©mies, toujours dans le but de lutter contre la maĂźtrise, accusĂ©e de dĂ©cadence des arts. En 1666 est fondĂ©e l’AcadĂ©mie de France Ă  Rome qui accueille les meilleurs jeunes artistes français afin de complĂ©ter leur formation. La mĂȘme annĂ©e voit la crĂ©ation de l’acadĂ©mie des sciences. En 1669, c’est la fondation de l’AcadĂ©mie royale de musique puis, en 1671, celle d’architecture qui scelle la sĂ©paration entre les architectes et les maçons. Il y a mĂȘme eu une tentative de crĂ©ation d’une acadĂ©mie de thĂ©ologie, mais celle-ci est rapidement dissoute en raison des inquiĂ©tudes formulĂ©es par la Sorbonne qui craint de perdre ses privilĂšges. Il en va de mĂȘme pour le théùtre. AprĂšs la mort de MoliĂšre, on ne crĂ©e pas explicitement une acadĂ©mie de théùtre, mais il y a bien un monopole de fait car un seul type de spectacle doit recevoir le label du Roi, comme pour l’opĂ©ra. La volontĂ© de diffusion des grandes Ɠuvres du rĂ©pertoire aboutie, en 1680, Ă  la fondation la ComĂ©die française. 13Le monopole des AcadĂ©mies sur les diffĂ©rents arts traduit le corps du Roi en peinture, en sculpture et en poĂ©sie » ApostolidĂšs. Avec ces institutions, c’est l’ensemble des arts qui se met au service de la gloire monarchique. À partir de 1660, on assiste Ă  une multiplication des AcadĂ©mies en province qui vont rĂ©pandre la mode en vigueur Ă  la cour. L’exemple de celle de Lyon, fondĂ©e en 1667, va servir de modĂšle pour d’autres villes. 14L’Angleterre a Ă©tĂ© tentĂ©e par ce modĂšle, mais l’instabilitĂ© politique qui y rĂšgne ne s’y prĂȘte pas. Les artistes se rassemblent dans des clubs ou des sociĂ©tĂ©s. Une tentative d’organisation des arts se met en place sous Charles II dans la deuxiĂšme moitiĂ© du xviie siĂšcle. Ambitionnant de rivaliser avec Louis XIV, il reprend le modĂšle français de l’AcadĂ©mie et place Ă  sa tĂȘte le peintre italien Antonio Verrio v. 1636-1707. Mais, l’absence d’une autoritĂ© centrale organisĂ©e pour contrĂŽler le travail comme c’est le cas en France avec Colbert et la nature sporadique des mĂ©cĂšnes anglais ont rendu cette volontĂ© difficile, voire impossible. 15En Espagne, la crĂ©ation des acadĂ©mies de Madrid et de Valence est un Ă©chec. Leur volontĂ© de contrĂŽler l’activitĂ© des peintres en favorisant un monopole de la production et du marchĂ© de la peinture se heurte Ă  une opposition trĂšs forte des corporations. Il se dĂ©veloppe alors un dĂ©bat original sur la peinture en tant qu’art libĂ©ral. Le colegio » AcadĂ©mie de Valence tend en effet Ă  favoriser le nĂ©potisme en fixant le prix des examens, empĂȘchant ainsi Ă  tout un groupe de la population de rĂ©aliser et de vendre leurs Ɠuvres. L’institution crĂ©e Ă©galement d’énormes difficultĂ©s aux artistes Ă©trangers voulant s’installer dans la ville et interdit purement et simplement la vente de peintures Ă©trangĂšres qui Ă©taient moins chĂšres que celles fabriquĂ©es Ă  Valence. Tout cela va aboutir Ă  un nombre important de plaintes arguant du statut d’art libĂ©ral de la peinture. Les plaignants infĂ©rant que si la peinture est effectivement un art libĂ©ral, elle doit suivre le modĂšle des autres arts libĂ©raux. Dans une ville comme Valence, on devrait trouver des peintures de diffĂ©rentes qualitĂ©s et Ă  des prix diffĂ©rents ; en fait, un accĂšs Ă  la peinture pour tous. Finalement, en 1617, Philippe II se range du cĂŽtĂ© de la ville contre l’AcadĂ©mie. L’AcadĂ©mie de Madrid, créée en 1603, attend toujours la protection royale en 1619. L’échec est moins clair qu’à Valence, mais lĂ  encore, il semble que l’opposition soit venue de peintres individuels, certainement ceux qui s’opposaient Ă  l’examen pour obtenir la licence. 16En France mĂȘme, oĂč l’hĂ©gĂ©monie du pouvoir royal est quasi complĂšte, l’institutionnalisation des arts ne s’est pourtant pas faite sans heurts. La rĂ©action au mouvement acadĂ©mique va trouver un soutien auprĂšs d’autres corps qui, Ă  ce moment, perdent aussi de leurs privilĂšges, les Parlements. Ainsi le Parlement de Paris va-t-il soutenir les corporations pour tenter d’enrayer l’effritement de son pouvoir et ce, dĂšs la fondation de l’AcadĂ©mie française. Entre 1648 et 1663, la corporation des maĂźtres peintres, soutenue par le Parlement, et l’AcadĂ©mie de peinture, soutenue par Colbert et le pouvoir royal, se heurtent Ă  des oppositions constantes. Ils se livrent une vĂ©ritable guerre d’usure qui voit finalement la dĂ©route de la maĂźtrise. Enfin, les dĂ©bats esthĂ©tiques continuent comme celui entre le dessin et la couleur qui on lieu Ă  Paris, dans la deuxiĂšme moitiĂ© du siĂšcle. 17On peut dire que deux carriĂšres s’offre Ă  l’artiste, celle de la cour et celle de la ville, bien que les plus rĂ©ussies marient les deux. Diego VĂ©lasquez 1599-1660 est l’exemple de l’artiste-courtisan. Il passe plus de trente ans au service de Philippe IV d’Espagne. Le roi l’emploie comme peintre, architecte dĂ©corateur, mais aussi fournisseur d’Ɠuvres d’art et courtisan jusqu’à devenir grand marĂ©chal du palais » en 1652. Plus encore que Charles Le Brun auprĂšs de Louis XIV ou qu’Antonio Verrio auprĂšs des rois d’Angleterre, il est le modĂšle de l’artiste de cour. Il faut distinguer, en Espagne, deux types de peintres rattachĂ©s au palais, les peintres du Roi et le peintre de la Chambre. Si les premiers sont de nombre variable entre quatre et six, il n’y a qu’un seul peintre de la Chambre dont l’occupation principale est de portraiturer le monarque et sa famille. C’est le cas de VĂ©lasquez sous le rĂšgne de Philippe IV, ce sera Juan Carreno de Miranda au temps de Charles II. 18En dehors des capitales, certains foyers sont trĂšs actifs et les artistes y vivent de commandes et de protections rĂ©gionales, publiques ou privĂ©es. À Toulouse se dĂ©veloppe ainsi un foyer original et trĂšs actif autour notamment de la figure de Nicolas Tournier qui, aprĂšs un voyage Ă  Rome, synthĂ©tise les formes caravagesques et les formes locales. Dans la deuxiĂšme moitiĂ© du siĂšcle, l’invention des AcadĂ©mies tend en France Ă  lisser les diffĂ©rences rĂ©gionales. L’exemple du sculpteur, peintre et architecte Pierre Puget, le Michel Ange de la France », semble relativement unique dans l’art français du deuxiĂšme xviie siĂšcle. Il rĂ©ussit Ă  mener une carriĂšre en Italie et en Provence loin de la cour et de l’AcadĂ©mie. Devenu cĂ©lĂšbre, Colbert lui commandes de grands marbres Milon de Crotone, achevĂ© 1682. 19La situation dans les arts du spectacle est assez similaire. Le dramaturge du xviie siĂšcle voit s’ouvrir devant lui deux voies. Celle, traditionnelle, de la protection d’un prince ou d’un grand et celle, nouvelle, d’entrepreneur de spectacles. Avec l’ouverture de théùtres publics et l’organisation de tournĂ©es, l’activitĂ© de l’auteur se commercialise. Il vend sa piĂšce Ă  une compagnie ou, s’il en est actionnaire, il obtient une participation aux bĂ©nĂ©fices. La publication des piĂšces est un autre facteur de commercialisation du mĂ©tier d’auteur, bien que le dĂ©sir d’exclusivitĂ© des troupes fasse quelquefois obstacle Ă  l’impression des piĂšces. Cependant un dramaturge qui rĂ©ussit est celui qui associe les deux carriĂšres, comme Shakespeare, auteur et acteur d’une troupe qui joue aussi bien pour la cour que la ville ou encore Lope de Vega, protĂ©gĂ© du duc d’Albe mais dont les piĂšces sont aussi jouĂ©es dans les théùtres publics corrales. Les tensions entre artistes de la cour et de la ville peuvent ĂȘtre plus aiguĂ«s et s’exercer aux dĂ©pens de la ville. A Paris, la musique en vient Ă  ĂȘtre gĂ©rĂ©e entiĂšrement par la Maison du roi, entraĂźnant une situation trĂšs prĂ©caire pour les musiciens de la ville rĂ©gis par la confrĂ©rie de saint Julien des MĂ©nestriers. Collections et marchĂ© de l’art 20Les Ɠuvres d’art rĂ©pondent Ă  diffĂ©rentes attentes, entre Ă©dification, glorification monarchique et dĂ©lectation. Un trait significatif du xviie siĂšcle europĂ©en est le dĂ©veloppement des collections, dans lesquelles peintures et sculptures, dĂ©tachĂ©es de toute autre fonction, notamment religieuse, acquiĂšrent rĂ©ellement le statut d’Ɠuvres d’art. Le dĂ©veloppement des collections 21La collection princiĂšre existe au xvie siĂšcle, mais elle prend une tout autre ampleur au siĂšcle suivant. Les souverains espagnols, en particulier, hĂ©ritent ce goĂ»t du grand collectionneur que fut Philippe II. Le Prado est le premier palais royal oĂč les peintures sont exposĂ©es en permanence, concurrençant la tapisserie pour la dĂ©coration murale. La dĂ©coration du palais de l’Escorial, dans les annĂ©es 1580, est conçue pour l’exposition de peintures de prestige. En 1700, le roi d’Espagne possĂšde 5 500 tableaux, dont la moitiĂ© acquise par Philippe IV. Les rois de France prĂ©fĂšrent le prestige du bĂątisseur Ă  celui du collectionneur A. Schnapper ; cependant, Louis XIV renoue avec le collectionisme somme toute modeste de François Ier ; entre 1660 et 1693, il forme une des premiĂšres collections d’Europe pour les mĂ©dailles et les pierres gravĂ©es, les pierres prĂ©cieuses, les tableaux, les dessins et les gravures. Assez peu intĂ©ressĂ© personnellement, il laisse Ă  ses ministres le soin de rassembler les trĂ©sors du cabinet du roi. Selon A. Schnapper, les collections ne sont ni nĂ©cessaires ni bien efficaces pour assurer la gloire du roi et l’étendre aux nations Ă©trangĂšres ». Charles Ier est bien d’avantage un amateur d’art. Lors de la vente de ses biens par les rĂ©publicains, ce sont prĂšs de 2 000 peintures, tapisseries, statues et dessins qui sont destinĂ©s Ă  Ă©ponger les dettes du monarque dĂ©funt. Au-delĂ  des princes, les grandes collections se rencontrent chez les personnages qui exercent un rĂŽle important, ou parmi ceux qui sont les plus liĂ©s Ă  la reprĂ©sentation du pouvoir, les ambassadeurs. La collection s’épanouit dans les lieux de pouvoir. Les ministres et les favoris – en France, Richelieu et Mazarin ; en Angleterre, avant la RĂ©volution, Arundel, Buckingham et Hamilton – sont au premier rang des collectionneurs. Sous Philippe IV, le marquis de LeganĂ©s possĂšde 1100 tableaux, le marquis de Carpio, plus de 3 000. 22Progressivement, les collections universelles, du type cabinet de curiositĂ©s, cĂšdent le pas aux collections spĂ©cialisĂ©es. Le xviie siĂšcle voit Ă  la fois l’apogĂ©e et le dĂ©but du dĂ©clin de la Kunst-und Wunderkamern K. Pomian. Apparaissent des collections autonomes de tableaux. Rome a un rĂŽle capital dans le collectionisme, puisque c’est lĂ  avec Venise que s’approvisionne toute l’Europe. C’est lĂ  aussi oĂč se forme le goĂ»t international qui met au premier rang de la valeur la peinture vĂ©nitienne et bolonaise du xvie siĂšcle. En Espagne, en Angleterre ou en France, ce sont toujours Titien et les VĂ©nitiens Tintoret, VĂ©ronĂšse d’une part, les Carrache et leurs suiveurs Guido Reni, l’Albane etc. d’autre part qui dominent les collections prestigieuses. 23Il faut noter que bien souvent les lettres et les arts ont des mĂ©cĂšnes communs. Souvent une belle collection s’accompagne d’une belle bibliothĂšque. Le peintre Eustache Le Sueur et le plus cĂ©lĂšbre luthiste français de l’époque, Denis Gaultier, ont pour mĂ©cĂšne Anne de ChambrĂ©, trĂ©sorier des guerres de Louis XIII et gentilhomme du prince de CondĂ©. ChambrĂ© commande Ă  ces deux artistes un manuscrit de luxe, La RhĂ©torique des dieux, recueil de piĂšces de luth de illustrĂ©. La collection suscite l’Ɠuvre littĂ©raire. Arts et lettres font partie d’une sociabilitĂ© dont le cƓur est l’art de la conversation. Les objets de collection sont, selon le mot de Krzysztof Pomian, des sĂ©miophores ». Au Moyen Âge, les collections de reliques, d’objets sacrĂ©s ou d' Ɠuvres d’art » sont aux mains de l’Église et du pouvoir temporel. Quand une hiĂ©rarchie de richesse se met en place, l’achat de sĂ©miophores, l’achat d’Ɠuvres d’art, la formation de bibliothĂšques ou de collections est une des opĂ©rations qui, transformant l’utilitĂ© en signification, permettent Ă  quelqu’un de haut placĂ© dans la hiĂ©rarchie de la richesse d’occuper une position correspondante dans celle du goĂ»t et du savoir » K. Pomian. Le dĂ©veloppement des collections est ainsi insĂ©parable du dĂ©veloppement d’un marchĂ©. Le dĂ©veloppement du marchĂ© de l’art le marchĂ© de la peinture 24La demande d’images augmente au cours du siĂšcle. On constate un Ă©largissement progressif du public de la peinture, en particulier dans les pays catholiques. L’imagerie dĂ©votionnelle nourrit le mouvement, mais Ă  la marge se diffusent aussi les genres portrait, nature morte, paysage
, en raison des nouveaux usages de la peinture, qui apparaĂźt de plus en plus dans les intĂ©rieurs. Plus tardivement, cet appĂ©tit d’images est lisible aussi en Angleterre en 1705, 80 % des inventaires de l’Orphan’s Court de Londres rĂ©vĂšlent la possession de tableaux, contre 44 % seulement en 1675. Certes, cette prĂ©sence de la peinture est liĂ©e Ă  la richesse mais ces inventaires montrent que les ordinary tradespeople ont autant de tableaux que les professionals et les gentryhouseholders. 25Le mĂ©tier de marchand de tableaux s’autonomise et se professionnalise peu Ă  peu. Les formes les plus structurĂ©es de marchĂ© de l’art se rencontrent Ă  Anvers, qui nourrit toute l’Europe de ses peintures, de tous les genres et de tous les prix. Il faut noter le fort goĂ»t pour la peinture flamande, parallĂšle au goĂ»t dominant vĂ©nĂ©to-bolonais. Anvers vend pour tous les publics et Ă  tous les prix. Mais d’autres lieux prennent de l’importance, oĂč l’on retrouve souvent les marchands du Nord. À Paris, la foire Saint-Germain, une des trois plus importantes de Paris, se spĂ©cialise au dĂ©but du xviie siĂšcle en marchĂ© des objets de luxe soie, bijoux, or mais aussi tableaux. Depuis la deuxiĂšme moitiĂ© du xvie siĂšcle, les marchands d’Anvers ont le monopole du marchĂ© parisien de la peinture. Ils viennent Ă  Paris chaque annĂ©e pour la foire. Vers 1620-1630, ils font face aux efforts protectionnistes de la maĂźtrise des peintres de Paris, qui les obligent Ă  tenir boutique de façon permanente en France, voire de demander la naturalisation, pour continuer leur commerce. Les Français rĂ©ussissent ainsi Ă  endiguer l’influence des marchands d’Anvers. Mais une autre compĂ©tition pour le contrĂŽle du marchĂ© se dĂ©roule alors entre les artistes-marchands et les marchands merciers qui finiront par l’emporter Ă  la fin du siĂšcle on connaĂźt par Watteau la boutique du cĂ©lĂšbre Gersaint. 26Diverses formes de transaction existent mais les ventes publiques aux enchĂšres prennent progressivement de l’importance, notamment en Angleterre ; elles permettent en effet aux comportements agonistiques de se donner libre cours dans un face Ă  face pendant lequel on manifeste simultanĂ©ment son goĂ»t, sa capacitĂ© de sacrifier de la richesse pour le satisfaire et ses possibilitĂ©s financiĂšres » K. Pomian. Les grandes ventes aux enchĂšres publiques deviennent ainsi des Ă©vĂ©nements mondains. À Londres, avant l’introduction des ventes aux enchĂšres d’Ɠuvres d’art, vers 1670, Samuel Pepys achĂšte directement aux artistes ou Ă  des stationers qui vendent aussi des livres. Le marchĂ© du livre est beaucoup plus organisĂ© que celui de l’art, grĂące Ă  la Stationers Company. Il n’y a pas de telle communautĂ© de marchands spĂ©cialisĂ©s dans l’art. Ce sont d’abord les virtuosi, les hommes de lettres londoniens, qui font la popularitĂ© des ventes aux enchĂšres, dont ils se servent comme d’une arĂšne des connaisseurs ». Elles touchent ensuite un public beaucoup plus large, les femmes aussi peuvent y assister. Les commissaires-priseurs ne peuvent pas encore se spĂ©cialiser dans les marchandises artistiques. La plupart vendent Ă  la fois des livres et des Ɠuvres d’art. 27Ces enchĂšres se dĂ©roulent surtout dans des coffeehouses comme Tom’s Coffeehouse ou Barbadoes Coffeehouse. À la mort de Charles II 1685, Londres est ainsi devenue un des marchĂ©s de l’art les plus actifs d’Europe. Au cours des ventes de Covent Garden, entre 1669 et 1692, plus de 35 000 peintures Ă  l’huile s’échangent. On a retrouvĂ©, protagonistes de ces Ă©changes, le nom de 20 nobles, 20 marchands et plus de 100 commoners. J. Brotton insiste sur le rĂŽle de la vente des biens de Charles Ier, qui a mis sur le marchĂ© des centaines d’Ɠuvres. Contrairement Ă  une opinion largement rĂ©pandue, Brotton soutient que cette vente n’est pas le seul fait de rĂ©publicains iconoclastes et ignorants des choses de l’art. Elle a Ă©tĂ© importante pour la formation du goĂ»t anglais puisqu’elle a rendu visibles les trĂ©sors des collections de la Couronne. À l’occasion de cet Ă©vĂ©nement, les tableaux royaux ont Ă©tĂ© transformĂ©s en marchandise, dĂ©truisant pour toujours leur exclusivitĂ© royale, les ĂŽtant au secret du palais royal et les livrant au monde de la vente publique ». 28En Espagne, depuis la fin du xvie siĂšcle, on voit dans les grandes villes des ventes d’art se dĂ©rouler prĂšs du marchĂ©, sur le perron de San Felipe ou Calle Mayor Ă  Madrid, par exemple, ou rue de Santiago Ă  Valladolid. Des lieux ouverts, une absence de toute rĂ©gulation des transactions on est bien loin des panden de Bruges et d’Anvers. Le marchĂ© est nourri par une importation massive des Pays-Bas et l’accroissement du nombre de peintres espagnols travaillant hors du cadre des corporations. Le dĂ©veloppement du marchĂ© entraĂźne l’utilisation rĂ©pĂ©tĂ©e de mĂȘmes modĂšles et une certaine standardisation de la production. Il faut dire que le marchĂ© amĂ©ricain exige une masse considĂ©rable d’images religieuses. Dans la deuxiĂšme moitiĂ© du xviie siĂšcle, pas moins de 24 000 peintures ont quittĂ© SĂ©ville pour l’AmĂ©rique. Des contrats exigent une grande rapiditĂ© de rĂ©alisation. Par exemple, le 26 juillet 1600, le peintre sĂ©villan Miguel VĂĄzquez s’engage Ă  livrer au marchand Gonzalo de Palma 1 000 portraits de figures profanes » de la mĂȘme taille 63 x 42 cm, Ă  raison de 25 par semaine, payĂ©s 4 reales piĂšce. Miguel Falomir observe que les prix de vente sur les foires et dans les stands de rue sont nettement infĂ©rieurs Ă  ceux offerts pour des Ɠuvres commissionnĂ©es. Cela n’empĂȘche pas des peintres cĂ©lĂšbres de participer aux ventes, comme BartolomĂ© Carducho, peintre du roi et marchand de tableaux. 3 Felipe de Guevara, Comentarios de pintura [vers 1560], Madrid, 1788, p. 4-5. 4 Relations, Lettres et discours
, Paris, 1660, Lettre IX, p. 235-23. 29Dans un marchĂ© de l’art naissant, se pose la question de l’attribution du prix. Quand il suggĂšre Ă  Philippe II d’exposer sa collection, Felipe de Guevara avance que les peintures cachĂ©es et tenues hors de la vue sont privĂ©es de leur valeur, qui rĂ©side dans les yeux des autres et leur apprĂ©ciation par des connaisseurs3 ». Traditionnellement, le prix d’une peinture Ă©tait liĂ© Ă  des critĂšres matĂ©riels comme les matĂ©riaux employĂ©s, le nombre, la taille et le costume des personnages. Cependant, depuis la Renaissance, la valeur est de plus en plus attachĂ©e Ă  un savoir, devient affaire de connaisseur rĂ©putation de l’artiste, authenticitĂ©, originalitĂ© de la composition, deviennent des critĂšres importants quand il s’agit des maĂźtres italiens ou nordiques les plus recherchĂ©s. À quoi s’ajoute pour les peintures anciennes la vie sociale » du tableau provenance, possesseur antĂ©rieur, lieu d’accrochage prĂ©cĂ©dent. Entre 1640-1660, les prix des tableaux anciens augmentent considĂ©rablement sur le marchĂ© parisien ; certains s’en Ă©meuvent, considĂ©rant scandaleux l’argent dĂ©pensĂ© en objets de vanitĂ©, comme Samuel SorbiĂšre, protestant rĂ©cemment converti, qui publie une lettre De l’excessive curiositĂ© en belles peintures4 ». Un dĂ©but de spĂ©culation suscite des rĂ©serves morales. Le dĂ©veloppement du marchĂ© de l’art accompagne une Ă©volution des consciences par rapport Ă  l’argent mais permet aussi une Ă©volution du mĂ©tier d’artiste. 30Nicolas Poussin 1594-1665 est l’exemple exceptionnel d’un artiste libĂ©rĂ© de la commande et vivant du marchĂ© de l’art. À partir de 1630, Ă©loignĂ© des grandes commandes publiques, il ne produit plus que des tableaux de chevalet et peut choisir ses clients qui sont des acheteurs, non plus des commanditaires. Le prix de ses tableaux est multipliĂ© par dix au cours du siĂšcle. Il ne dĂ©pend pas d’une cour ou d’un protecteur, il n’a pas d’atelier, pas d’élĂšves. Au-delĂ  des Barberini et de leur rĂ©seau, les principaux acheteurs de Poussin sont français. Ils sont d’origine sociale variĂ©e on trouve parmi eux, le marĂ©chal de CrĂ©qui, le duc de Richelieu ou le roi lui-mĂȘme, qui rĂ©unit une trĂšs importante collection de Poussin ; des secrĂ©taires d’État, comme La VrilliĂšre ou LomĂ©nie de Brienne ; des titulaires d’offices importants comme Chantelou ; des financiers comme Neyret de la Ravoye ; mais aussi des personnages beaucoup plus obscurs, des nĂ©gociants comme Pointel ou Serisier. Il s’agit lĂ  d’une carriĂšre trĂšs particuliĂšre, permise par la naissance d’un vrai marchĂ© de l’art. Les arts, miroir de leur temps » ? La sociĂ©tĂ© est un théùtre, le théùtre, un reflet de la sociĂ©tĂ© ? 31On ne saurait trop souligner l’importance de la mĂ©taphore théùtrale et en gĂ©nĂ©rale de la vision dans les arts et la littĂ©rature du xviie siĂšcle. Avec la perspective linĂ©aire comme mode de reprĂ©sentation picturale depuis la Renaissance, Les images s’inscrivent dĂ©sormais Ă  l’intĂ©rieur d’un cube ouvert d’un cĂŽtĂ©. À l’intĂ©rieur de ce cube reprĂ©sentatif, sorte d’univers en rĂ©duction, rĂšgne les lois de la physique et de l’optique de notre monde » P. Francastel ; d’oĂč l’importance de la mĂ©taphore théùtrale All the world’s a stage », l' illusion comique » le théùtre est un monde en rĂ©duction, le monde n’est qu’un théùtre. Comment le théùtre du xviie reflĂšte-t-il alors la sociĂ©tĂ© ? 32Si l’on tourne le dos Ă  la scĂšne, le lieu théùtral donne, dans la disposition du public, une image particuliĂšre des hiĂ©rarchies. La structure du théùtre public est partout Ă  peu prĂšs la mĂȘme. Le corral madrilĂšne se partage entre le parterre avec ses places debout ou assises et les loges rĂ©servĂ©es aux personnages importants ; un lieu spĂ©cial est rĂ©servĂ© aux femmes du commun et aux ecclĂ©siastiques, ce qui est une particularitĂ© espagnole. Dans le théùtre Ă©lisabĂ©thain, on a, du moins coĂ»teux au plus cher, les places debout Ă  ciel ouvert, les places assises dans les galeries couvertes et enfin les loges. EntiĂšrement couvert, le théùtre de Bourgogne montre une rĂ©partition analogue, avec ses places au parterre Ă  5 sous et ses places en loges Ă  10 sous. 33Si, dans le cas des reprĂ©sentations privĂ©es chez de nobles particuliers les visites » en France, les particulares » en Espagne le public est socialement homogĂšne, il n’en va pas de mĂȘme du théùtre public. La composition des salles est assez semblable Ă  Londres et Ă  Paris. Le parterre, debout, est volontiers remuant, mĂȘme s’il ne faut pas s’exagĂ©rer le caractĂšre populaire de ces spectateurs. Alfred Harbage montre qu’il est constituĂ©, au théùtre du Globe, de boutiquiers, d’artisans et de journaliers. La variĂ©tĂ© de ton et de genres caractĂ©ristique du théùtre de Shakespeare, comme de la tragĂ©die espagnole, de la poĂ©sie savante Ă  la farce, est destinĂ©e Ă  rĂ©pondre Ă  cette diversitĂ© du public. On distingue les connaisseurs des ignorants du parterre, les mosqueteros » en Espagne, les groundlings » en Angleterre. On peut remarquer que la mĂȘme idĂ©e est souvent exprimĂ©e deux fois dans les piĂšces de Shakespeare, sous une forme Ă©laborĂ©e d’abord, plus simple ensuite. Dans la comedia, le gracioso » est chargĂ© de rĂ©pĂ©ter en clair ce qui risquait de paraĂźtre obscur. Cependant, au cours du siĂšcle, on remarque une diminution globale de la composante populaire du public. Les tĂ©moignages contemporains sur le chahut du parterre ne sont pas exempts de prĂ©jugĂ©s sociaux. En France, le public ne change pas radicalement, mais les poĂštes, leurs mĂ©cĂšnes et les amateurs prĂȘchent pour une Ă©puration du goĂ»t comme du public. Il ne faut pas oublier que la dĂ©fense des rĂšgles et, pour le dire d’un mot, du classicisme, est parallĂšle Ă  une exclusion des Ă©lĂ©ments populaires. Le classicisme, rappelle J. Truchet, suppose un consensus culturel, l’existence d’un public auquel il soit naturel et lĂ©gitime de vouloir plaire, les honnĂȘtes gens », la Cour » et la Ville ». L’unitĂ© du classicisme se fonde moins sur des prĂ©ceptes que sur un milieu ». L’exclusion du menu peuple se fait naturellement par l’augmentation du prix des places au cours du siĂšcle. En France comme en Angleterre, la base sociale du théùtre se rĂ©trĂ©cit. 34La nĂ©cessitĂ© de parler Ă  un trĂšs large public oĂč domine, de plus en plus, les catĂ©gories privilĂ©giĂ©es, implique de renvoyer Ă  une morale commune. N’oublions pas que plaire est une nĂ©cessitĂ© vitale pour le dramaturge du xviie siĂšcle. Souvent, on remarque un certain conservatisme dans la vision de la sociĂ©tĂ© vĂ©hiculĂ©e par le théùtre. Celui-ci enregistre certains changements, comme l’importance croissante du commerce et de l’argent, les transformations de la noblesse ou l’appĂ©tit des roturiers enrichis. Le gentilhomme dĂ©sargentĂ© contraint Ă  la mĂ©salliance, le roturier cherchant une promotion Ă  la cour, le bourgeois gentilhomme, sont quelques thĂšmes rĂ©currents de la comedia espagnole, dont l’influence est grande en France et en Angleterre ; mais en gĂ©nĂ©ral, quelque soit l’origine sociale de l’auteur, la morale de la piĂšce demeure attachĂ©e aux valeurs de la noblesse terrienne traditionnelle, dĂ©favorable aux fortunes issues du commerce et de la spĂ©culation. Par exemple, dans les piĂšces de Lope de Vega, le noble enrichi par le nĂ©goce est condamnĂ©, les marchands, petits ou grands, et les armateurs de SĂ©ville peu reprĂ©sentĂ©s ou peu mis en valeur. Le théùtre jacobĂ©en, face aux bouleversements sociaux, tĂ©moigne d’un attachement Ă  l’ordre ancien A. Bry. MoliĂšre montre de maniĂšre trĂšs nĂ©gative ces femmes qui sortent de leur condition, ces prĂ©cieuses qui se prĂ©valent d’un rĂŽle intellectuel dans ce qui deviendra les salons. Le monde comme théùtre est d’abord une mĂ©taphore de la vanitĂ© des biens de ce monde. Il s’agit moins de reprĂ©senter que de moraliser. CalderĂłn de la Barca l’exprime parfaitement dans Le Grand Théùtre du Monde 1645. On y voit le Monde remettre Ă  chaque acteur, du Roi au Mendiant, les insignes de son rang. Les personnages entrent sur scĂšne par le Berceau et en sortent par la Tombe. LĂ , ils doivent remettre leurs attributs et rendre compte de la façon dont ils ont tenu leur rĂŽle. Seuls le Mendiant et la Prudence ont Ă©chappĂ© Ă  l’orgueil et aux intrigues de la cour. Seuls, ils ont compris la leçon de la piĂšce, c’est-Ă -dire de la vie. Seuls, ils ne seront pas damnĂ©s. Quand le rideau tombe, ne demeurent en scĂšne que les quatre derniĂšres choses » la Mort, le Jugement, le Ciel et l’Enfer. 35Si le siĂšcle est fascinĂ© par les pouvoirs de l’illusion, la concorde entre l’ĂȘtre et le paraĂźtre est un souci constant. Les marques de luxe doivent correspondre Ă  un statut social rĂ©el. L’ouvrage de Pierre Le Muet, La ManiĂšre de bĂątir pour toutes sortes de personnes 1623, est un des plus importants de ces recueils, en vogue en France, qui proposent des modĂšles d’habitation selon le rang du propriĂ©taire. L’architecture doit reflĂ©ter la hiĂ©rarchie sociale. On peut dire que Fouquet, par exemple, n’a pas respectĂ© cette rĂšgle, Vaux outrepasse son rang. L’étude du portrait permet de mieux comprendre ce rapport ĂȘtre/paraĂźtre. Elle permet aussi de mieux comprendre sous quelles conditions les catĂ©gories sociales les moins privilĂ©giĂ©es ont droit Ă  ĂȘtre reprĂ©sentĂ©s. Qui a droit Ă  la reprĂ©sentation ? 36Le problĂšme de la dignitĂ© du sujet reprĂ©sentĂ© se pose particuliĂšrement dans le portrait. Ce dernier genre connaĂźt depuis le xvie siĂšcle un grand dĂ©veloppement. Il constitue Ă  la fin du siĂšcle 20 % des images des intĂ©rieurs de Delft, par exemple. Or, Edouard Pommier a relevĂ©, dans la deuxiĂšme moitiĂ© du xvie siĂšcle, un mouvement de remise en cause de ce genre, notamment d’un point de vue social. Alors qu’il cesse d’ĂȘtre rĂ©servĂ© Ă  la reprĂ©sentation des saints et des princes, le portrait suscite la question de la lĂ©gitimitĂ© de la reprĂ©sentation d’un individu. 5 CitĂ© par Pommier Édouard, ThĂ©ories du portrait, Paris, 1998, p. 128. 37Dans une lettre Ă  Leone Leoni, sculpteur et mĂ©dailleur, l’ArĂ©tin le met en garde ainsi Faites donc les portraits de personnages de ce genre [l’érudit Francesco Molza, mort depuis peu], mais ne faites pas les portraits de ceux qui Ă  peine se connaissent eux-mĂȘmes et que personne ne connaĂźt. Le ciseau ne doit pas tracer les traits d’une tĂȘte, avant que la renommĂ©e ne l’ait fait. Il ne faut pas croire que les lois des Anciens aient permis qu’on fasse des mĂ©dailles de personnes qui n’étaient pas dignes. C’est ta honte, ĂŽ siĂšcle, de tolĂ©rer que des tailleurs et des bouchers apparaissent vivants en peinture5. » Cette idĂ©e d’une vulgarisation du portrait se retrouve dans nombre d’écrits du xvie siĂšcle. On ne devrait reprĂ©senter que les exempla virtutis, ou les grands de ce monde, parce que seuls ils ont droit Ă  la mĂ©moire publique. 6 de Piles R., Cours de peinture par principes, Paris, Ă©d. J. Thuillier, 1989, p. 132. 7 Sorel Charles, La Description de l’üle de Portraiture et de la ville des portraits, Paris, 1659, p ... 38De la dignitĂ© du sujet dĂ©pend son traitement, qui oscille entre l’imitare, qui a le sens de donner l’image de quelque chose, avec une certaine libertĂ© et le ritrarre donner une copie littĂ©rale de quelque chose. Pour le thĂ©oricien Roger de Piles, la stricte fidĂ©litĂ© aux traits du modĂšle n’est requise que pour les grands de ce monde Pour les hĂ©ros et pour ceux qui tiennent quelque rang dans le monde, ou qui se font distinguer par leurs dignitĂ©s, par leurs vertus ou par leurs grandes qualitĂ©s, on ne saurait apporter trop d’exactitude dans l’imitation de leur visage, soit que les parties s’y rencontrent belles, ou bien qu’elles y soient dĂ©fectueuses » car ces sortes de portraits sont des marques authentiques qui doivent ĂȘtre consacrĂ©es Ă  la postĂ©ritĂ©, et dans cette vue tout est prĂ©cieux dans les portraits, si tout y est fidĂšle6. » Cette nĂ©cessitĂ© de rendre fidĂšlement le modĂšle vertueux, l’ĂȘtre de haut rang s’explique par les spĂ©culations physiognomoniques, trĂšs en vogue au xviie siĂšcle. En fait, la pratique conduit souvent Ă  l’inverse il faut donner au personnage les traits convenant Ă  sa fonction et Ă  sa dignitĂ©. Il faut que le paraĂźtre corresponde Ă  l’ĂȘtre social, il faut donner Ă  chaque personnage l’attitude, les vĂȘtements, les attributs de sa “qualitĂ©â€, c’est-Ă -dire sa position dans la sociĂ©tĂ© » E. Pommier. DĂ©jĂ  LĂ©onard de Vinci prĂ©conisait que le roi soit barbu, plein de gravitĂ© dans l’air et les vĂȘtements [
]. Les gens de basse condition doivent ĂȘtre mal parĂ©s, en dĂ©sordre et mĂ©prisables [
] avec des gestes vulgaires et tapageurs ». Dans sa Description de l’üle de portraiture 1659 Charles Sorel se moque lui aussi du succĂšs du portrait, de ces modĂšles qui veulent apparaĂźtre dans des vĂȘtements trĂšs magnifiques, et la plupart ne se souci[ant] point s’ils Ă©taient conformes Ă  leur naturel et Ă  leur condition7 ». Analysant le Portrait d’Omer II Talon Washington, National Gallery peint en 1649 par Philippe de Champaigne, Lorenzo Pericolo remarque qu’en tant qu' avocat gĂ©nĂ©ral au parlement de Paris, le modĂšle usurpe » en quelque sorte une posture et un dĂ©cor typique d’un roi ou d’un aristocrate ». 8 Pour reprendre le titre de l’ouvrage de G. Sadoul, Jacques Callot miroir de son temps, Paris, 19 ... 39E. Pommier montre au long de son livre combien il est difficile d’apprĂ©cier le rĂ©alisme » d’un portrait. L’art, comme le langage, est d’abord un systĂšme de signes qui demandent interprĂ©tation. Il faut donc se mĂ©fier de la tentation de voir dans les romans, les gravures ou les peintures un miroir de leur temps8 ». Ils correspondent aux attentes de la clientĂšle. Le cas des portraits de paysans des Le Nain est intĂ©ressant parce que nous voyons des paysans reprĂ©sentĂ©s avec une grande fidĂ©litĂ© apparente des traits, et en mĂȘme temps une grande dignitĂ©. Dans la peinture hollandaise, on trouve souvent des intĂ©rieurs paysans, comme celui peint par Adriaen Van Ostade vers 1635 Munich, Bayerische StaatsgemĂ€ldesammlungen. On y voit des hommes et des femmes boire et fumer. Mais les physionomies sont viles, bouffonnes, tout Ă  fait conformes aux prĂ©ceptes de LĂ©onard. Les acheteurs d’une telle toile ne sont Ă©videmment pas du mĂȘme milieu et peuvent ainsi apprĂ©cier la distance qui les sĂ©pare de ces comportements. Une mise en garde contre les dĂ©bordements des sens n’est pas absente. En effet, dans un milieu modeste, les passions sont censĂ©es s’exprimer plus librement, en tout cas leur reprĂ©sentation ne requiert pas les mĂȘmes contraintes. Adriaen Brouwer, par exemple, illustre les Ă©motions humaines Ă  travers ses portraits populaires. 9 Antoine 1588 ?-1648, Louis 1593 ?-1648 et Mathieu 1607-1677. Ils ont un atelier commun et si ... 10 Champfleury, Essai sur la vie et l’Ɠuvre des Le Nain, Paris, 1850, p. 38. 40A priori rien de tel dans le Repas de paysans 1642, Paris, Louvre ou la Famille de paysans v. 1645-1648, Paris, Louvre des frĂšres Le Nain9. C’est le rĂ©alisme » de la scĂšne qui frappe. Pour Champfleury, qui est Ă  l’origine de la redĂ©couverte de ces peintres, ce sont des historiens » qui apprennent plus sur les mƓurs de leur temps [
] que bien des gros livres10 ». Une critique marxiste s’est emparĂ© de ces peintres populaires », mais il a vite Ă©tĂ© montrĂ© que les trois frĂšres ont fait partie des membres fondateurs de l’AcadĂ©mie et que Mathieu, qui a vĂ©cu plus longtemps, a pu faire une assez belle fortune et a cherchĂ©, aprĂšs l’achat d’une terre prĂšs de Laon, Ă  se faire appeler seigneur de la Jumelle. Fait exceptionnel pour un peintre, il a Ă©tĂ© fait chevalier du Saint-Michel pour ses services dans la milice de Paris, mais il n’a pu faire preuve de sa noblesse. Pourtant, il a Ă©tĂ© vite remarquĂ© que les paysans reprĂ©sentĂ©s Ă©taient bien habillĂ©s, possĂ©daient des verres, etc. Beaucoup d’historiens ont continuĂ© Ă  vouloir y voir des documents transparents, des fenĂȘtres ouvertes sur le monde paysan des environs de Laon au xviie siĂšcle. Ansi, Neil McGregor voit dans les paysans des Le Nain l’illustration d’un dĂ©veloppement historique ». Pour lui, les acheteurs de ces tableaux sont des membres de la bourgeoisie qui achĂštent alors des terres autour de leurs villes natales et les mettent en valeur eux-mĂȘmes ou les confie Ă  un fermier. Ils auraient plaisir Ă  avoir des portraits de leurs paysans, envers lesquels ils seraient animĂ©s d’une bienveillance patriarcale. La dignitĂ© des attitudes et la noblesse des traits des personnages nous Ă©loignent du dĂ©dain et du rire de Van Ostade. Toutefois, il est difficile de croire Ă  un tĂ©moignage naturaliste sur la condition paysanne. Pierre Goubert et JoĂ«l Cornette, aprĂšs d’autres, ont remarquĂ© les Ă©chos eucharistiques du Repas de paysans, qui reprĂ©sente sans doute une visite de charitĂ©, telles qu’elles Ă©taient organisĂ©es vers 1640 par des institutions comme la compagnie du Saint-Sacrement. On peut alors songer Ă  certains bodegones de VĂ©lasquez, mĂȘme s’ils ne procĂšdent pas de la mĂȘme filiation picturale. Ce genre nĂ© Ă  SĂ©ville et Ă  TolĂšde, qui mĂȘle la nature morte et la scĂšne de genre est un des rares genres profanes de la peinture espagnole. On y voit des gens du peuple se livrer Ă  des activitĂ©s trĂšs quotidiennes notamment autour de la prĂ©paration et de la consommation du repas. Pourtant, il n’est pas si profane que cela. La mĂ©ditation religieuse est quelquefois explicite comme dans Le Christ chez Marthe et Marie 1618, Londres, National Gallery, oĂč l’on voit une jeune femme cuisiner, tandis qu’une vieille femme semble lui montrer une image au statut assez compliquĂ© est-ce une scĂšne vue Ă  travers une fenĂȘtre, est-ce un tableau ? reprĂ©sentant la scĂšne Ă©vangĂ©lique qui donne son nom au tableau. L’interprĂ©tation complĂšte est difficile, mais il s’agit sans doute d’une mĂ©ditation sur la vie active et la vie contemplative, Ă  laquelle se joint peut-ĂȘtre la remarque de ThĂ©rĂšse d’Avila, selon laquelle le chemin du Christ passe par les ustensiles de cuisine
 Le portrait d’hommes et de femmes humbles convient particuliĂšrement aux vertus Ă©vangĂ©liques de pauvretĂ© et de simplicitĂ©. 41Cela n’enlĂšve rien au caractĂšre trĂšs convaincant de la reprĂ©sentation, mais le peintre, qui construit savamment ces scĂšnes dans son atelier, ne cherche pas Ă  faire un reportage sur une famille paysanne. Il cherche certainement la vraisemblance, mais ce respect du rĂ©el est empreint d’une religiositĂ© profonde, et conditionnĂ© par la plus ou moins subtile mĂ©ditation qu’il veut offrir Ă  l’amateur. Les stĂ©rĂ©otypes sociaux dans la littĂ©rature espagnole du SiĂšcle d’or 11 FernĂĄndez Alvarez M., La Sociedad española en el Siglo de Oro, Madrid, 1983. 42La littĂ©rature du SiĂšcle d’or espagnol reflĂšte, souvent avec des caractĂšres sombres, toute une sĂ©rie de stĂ©rĂ©otypes sociaux. L’échantillon le plus complet d’un monde oĂč pullulent les dĂ©shĂ©ritĂ©s mendiants et pauvres honteux, soldats en guenilles, Ă©tudiants dissolus, hidalgos de haute lignĂ©e Ă  la maigre fortune, prostituĂ©es
 et dans lequel se distingue la figure du picaro, personnage qui donna lieu Ă  l’un des genres littĂ©raires les plus en vogue dans l’Espagne du xviie siĂšcle11. L’intention satirique des auteurs de ce genre les conduisit Ă  confronter la vie du picaro Ă  celle des puissants maĂźtres qu’ils servaient seigneurs et ecclĂ©siastiques de toutes conditions principalement dont les dĂ©fauts et l’hypocrisie sont mis en relief par ces antihĂ©ros. Le picaro devient ainsi le personnage antagonique du chevalier vertueux et honorable que le roman de chevalerie avait consacrĂ©. Personnage de basse extraction sociale, abandonnĂ© par la fortune, et qui survit dans le monde de la pĂšgre grĂące Ă  son habiletĂ© dans la tromperie et l’escroquerie. Etranger Ă  tout code de conduite honorable, il atteint ses objectifs grĂące Ă  sa ruse mais sans recourir Ă  la violence. Il aspire par-dessus tout Ă  amĂ©liorer sa condition sociale, bien qu’il Ă©choue constamment dans ses tentatives, reflĂ©tant ainsi l’impermĂ©abilitĂ© sociale qui caractĂ©risa l’Espagne du moment. 12 Maravall J. A., La literatura picaresca desde la historia social, Madrid, 1986. 43Bien que la figure du picaro soit dĂ©jĂ  prĂ©sente avec la plupart des traits qui le dĂ©finissent dans le Lazarillo de Tormes 1554, son plus haut niveau littĂ©raire est obtenu par Mateo AlemĂĄn avec son GuzmĂĄn de Alfarache 1599. Au xviie siĂšcle, QuĂ©vĂ©do consacre cette figure satirique dans sa Vida del BuscĂłn llamado don Pablos 1603 ?, et il existe toute une plĂ©iade de romans durant la premiĂšre moitiĂ© du xviie siĂšcle avec une perspective burlesque de mĂȘme nature, dans lesquels on voit dĂ©filer des personnages, masculins et fĂ©minins, qui rĂ©pondent Ă  ces caractĂ©ristiques, comme El GuitĂłn Onofre Gregorio GonzĂĄlez, 1604, La pĂ­cara Justina Francisco LĂłpez de Ubeda, 1605, La Ingeniosa Elena, fille supposĂ©e de La CĂ©lestine Alonso JerĂłnimo de Salas Barbadillo, 1612 et 1614, le Lazarillo del Manzanares Juan CortĂ©s de Tolosa, 1620, Gregorio Guadaña Antonio EnrĂ­quez GĂłmez, 1644 ou Estebanillo GonzĂĄlez Gabriel de Vega, 1646. Quelques autres personnages de romans qui ne cadrent pas complĂštement avec ce genre littĂ©raire partagent Ă©galement nombre de ses caractĂ©ristiques, comme en tĂ©moignent Rinconete y Cortadillo de CervantĂšs 1613, ou El Diablo Cojuelo de LuĂ­s VĂ©lez de Guevara 1641. Si le picaro est un personnage qui s’épanouit principalement en milieu urbain, le chevalier le fait en milieu rural ; c’est ainsi que le reprĂ©sente Alonso JerĂłnimo Salas Barbadillo dans son Caballero perfecto 1620 et dans son antithĂšse El Caballero puntual 161612. 13 Maravall J. A., Teatro y literatura en la Sociedad Barroca, Barcelona, 1990. 44Face au caractĂšre satirique et critique du roman picaresque, le théùtre, d’aprĂšs Maravall, tenta de maintenir en vigueur un systĂšme de pouvoir préétabli et, par consĂ©quent, la stratification et la hiĂ©rarchie des groupes sociaux13. À travers le théùtre de Lope de Vega, CalderĂłn de la Barca, ou de Tirso de Molina, les espagnols assumĂšrent un systĂšme de conventions » qui soutenait un ordre social dans lequel les autoritĂ©s politique et religieuse Roi et Inquisition garantissaient sa validitĂ©. Ainsi, dans une Ă©poque de crise, comme celle que connut l’Espagne au cours du xviie siĂšcle, le théùtre fut l’un des piliers sur lesquels reposa la campagne de renforcement de la sociĂ©tĂ© seigneuriale. Les conflits sociaux seront la thĂ©matique fondamentale des piĂšces de théùtre, le dĂ©sir d’ascension sociale Ă©tant prĂ©sentĂ© de façon rĂ©currente, bien que les personnages vertueux coĂŻncident toujours avec ceux qui acceptent de bonne grĂące leur statut. Le théùtre privilĂ©gia une sĂ©rie de valeurs traditionnelles comme l’honneur, la puretĂ© de sang, la foi, la richesse – spĂ©cialement celle du laboureur – l’amour pur
 en faisant ressortir Ă©galement la diffĂ©renciation bipolaire de la sociĂ©tĂ© entre riches et pauvres, nobles et vilains, seigneurs et serviteurs, oisifs et travailleurs, et parvenant Ă  identifier richesse avec noblesse. L’arbitrisme 14 NDT Le substantif arbitrismo » n’est pas inclus dans le Diccionario de la Real Academia. Seuls ... 15 Vilar J., Literatura y EconomĂ­a. La figura satĂ­rica del arbitrista en el Siglo de Oro, Madrid, 197 ... 45En Espagne, la sociĂ©tĂ© fut Ă©galement l’objet d’une rĂ©flexion par un courant de pensĂ©e que l’on nomme l’arbitrismo » l’arbitrisme14. Est considĂ©rĂ© arbitrista » l’individu qui propose des plans et des projets arbitrios, insensĂ©s ou rĂ©alisables, pour soulager les Finances Publiques ou remĂ©dier Ă  des maux politiques. Le caractĂšre majoritairement pĂ©joratif du terme est issu de son origine littĂ©raire, car c’est dans ce sens que CervantĂšs l’utilise pour la premiĂšre fois dans son Coloquio de los perros 1613. QuĂ©vĂ©do s’exprima Ă©galement avec une fĂ©rocitĂ© particuliĂšre dans son ouvrage La hora de todos o la fortuna con seso 163515. 16 NDT terme employĂ© ici pour dĂ©clin ou dĂ©cadence. 17 GarcĂ­a CĂĄrcel R., Las culturas del Siglo de Oro, Madrid, 1998. 46Dans l’historiographie actuelle, on entend par arbitrismo » ce courant de pensĂ©e politique et Ă©conomique qui, Ă©mergeant au temps de Philippe II, trouve son groupe le plus fourni de reprĂ©sentants dans la Castille des deux premiers tiers du xviie siĂšcle. La majeure partie de ces Ă©rudits se virent encouragĂ©s Ă  adresser leurs arbitrios » solutions aux principales autoritĂ©s, y compris au Roi, par leur profonde conviction de la dĂ©cadence du Royaume, dont la cause, selon eux, rĂ©sidait dans un ou plusieurs problĂšmes sociaux, Ă©conomiques et financiers qui caractĂ©risĂšrent l’Espagne du SiĂšcle d’or. Parmi ceux-ci on distingue l’augmentation des prix fruit de l’abondance d’or et d’argent en provenance d’AmĂ©rique, la diminution corrĂ©lative de la compĂ©titivitĂ© des produits espagnols et l’introduction correspondante de marchandises Ă©trangĂšres qui provoquaient la ruine de l’industrie nationale, la dĂ©cadence du commerce et l’abandon de l’agriculture et de l’élevage. Les arbitristas » dĂ©noncĂšrent Ă©galement l’appauvrissement progressif de l’État, dont la dĂ©pense publique croissante dĂ©coulant de l’entretien d’une armĂ©e plĂ©thorique, dispersĂ©e sur un vaste territoire Ă©tait compensĂ©e par l’augmentation des impĂŽts, gangrĂšne financiĂšre dont le reflet n’est autre que la ruine de la nation et le dĂ©peuplement. Tout cela, d’aprĂšs de nombreux arbitristas », provoquait l’abandon des activitĂ©s de production et d’investissement de la part des Espagnols, tandis que les Ă©trangers devenaient les maĂźtres des ressorts Ă©conomiques du pays. De la mĂȘme façon, ils imputaient Ă  l’excessive circulation monĂ©taire le goĂ»t du luxe et de l’oisivetĂ© dans les classes possĂ©dantes, et la nĂ©gligence qui s’ensuivait pour les activitĂ©s productives. La consĂ©quence de tout cela fut la declinaciĂłn16 » de la Nation, terme qui rĂ©sumait parfaitement leur impression de vivre un moment de crise Ă©conomique et sociale17. 47Bien que les termes arbitrio » et arbitrista » aient Ă©tĂ© employĂ©s dans la littĂ©rature du SiĂšcle d’or dans un sens clairement pĂ©joratif, les avis de ces individus Ă©tant jugĂ©s insensĂ©s, il est certain que parmi ceux qui Ă©mirent leur opinion, il y eut de nombreux personnages lucides, intelligents et des professionnels de toutes sortes d’activitĂ©s, qui surent observer avec acuitĂ© les problĂšmes Ă©conomiques et sociaux de l’Espagne d’alors et prĂ©voir des solutions. Parmi les plus importantes figures de cette Ă©cole de pensĂ©e il y eut le comptable du TrĂ©sor Luis Ortiz, auteur du Memorial al Rey para que no salgan dineros de España 1558 ; l’avocat de la Chancellerie Royale de Valladolid, MartĂ­n GonzĂĄlez de Cellorigo, continuateur de ce que l’on appela l’Ecole de Salamanque » et auteur du Memorial de la polĂ­tica necesaria y Ăștil restauraciĂłn a la repĂșblica de España 1600 ; le mĂ©decin CristĂłbal PĂ©rez de Herrera, rĂ©dacteur d’un mĂ©moire dans lequel Ă©taient abordĂ©es
 de nombreuses choses touchant au bien, Ă  la propriĂ©tĂ©, Ă  la richesse, Ă  la futilitĂ© de ce royaume et au rĂ©tablissement des gens » 1610 ; le professeur en Écritures SacrĂ©es, Sancho de Moncada, dont les Discursos 1619 seraient rééditĂ©s en 1746 sous le titre RestauraciĂłn polĂ­tica de España ; le chanoine et consultant du Saint-Office, Pedro FernĂĄndez de Navarrete, qui Ă©crivit le livre intitulĂ© ConservaciĂłn de MonarquĂ­as 1626 ; Miguel Caxa de Leruela, du Conseil de Castille et Visiteur GĂ©nĂ©ral du Royaume de Naples, dont l’Ɠuvre la plus connue s’intitulait RestauraciĂłn de la abundancia de España 1631 ; ou le procurateur des galĂ©riens Francisco MartĂ­nez de Mata, auteur de cĂ©lĂšbres Memoriales et Discursos 1650-1660.

ModeDe Vie Des Artistes En Marge De La Société, Définitions : BohÚme - Dictionnaire De Français Larousse. Avec le concept d'habitus de Pierre Bourdieu, on peut souligner qu'une norme influe d'autant plus sur les comportements qu'elle a été intériorisée comme habitude. L'individu peut donc difficilement échapper à la société: présente de sa
Accueil Revues Espaces et sociĂ©tĂ©s NumĂ©ro 2017/4 n° 171 Zone l’espace d’une vie... Éditorial Zone l’espace d’une vie en marge Suivre cet auteur JĂ©rĂŽme Beauchez, Suivre cet auteur Florence Bouillon, Suivre cet auteur Djemila Zeneidi Dans Espaces et sociĂ©tĂ©s 2017/4 n° 171, pages 7 Ă  18 Suivant ArticlePlanBibliographieAuteursCitĂ© parfile_downloadTĂ©lĂ©charger Article MĂȘme si on dort dans la rue, on n’est pas des loques. On est des chĂŽmeurs, des zonards, des mancheurs, mais on n’est pas des clochards. » Propos anonymes, recueillis dans la rue par Lionelle Reynes 1985, p. 38 1 Alors que le quotidien des jeunes de banlieue » ou des bandes ethniques » focalise depuis plusieurs dĂ©cennies l’attention des sociologues, l’autre visage des jeunesses relĂ©guĂ©es que prĂ©sentent les zonards » reste quant Ă  lui quasi invisible du point de vue des sciences sociales europĂ©ennes. Rares sont en effet les Ă©tudes de ces nomades du vide » Chobeaux, 2004 que seraient ces jeunes de la rue, que l’on dit aussi en errance » Laberge et Roy, 1996 ; Pattegay, 2001 ; Parazelli, 2002. Population sans domicile aux allures bigarrĂ©es, souvent accompagnĂ©e de ses chiens, ils apparaissent surtout dans le rĂŽle du mancheur rĂ©clamant la piĂšce sur le pavĂ© des centres-ville ou au seuil des supermarchĂ©s. À la fois terme vernaculaire et concept proche de l’expĂ©rience, le mot zonard est celui que la plupart choisissent pour se dĂ©signer Pimor, 2014. La zone Ă©voque alors un mode de vie supposant de tracer sa route dans les marges de la sociĂ©tĂ© de consommation Angeras, 2012, d’oĂč les appellations de traceurs ou de routards Ă©galement employĂ©es par certains. 2 L’étymologie du terme renvoie Ă  la zone non aedificandi non constructible qui s’étendait au-delĂ  des fortifications de Paris. AprĂšs la guerre de 1870, la destination exclusivement militaire de cet espace a Ă©tĂ© peu Ă  peu abandonnĂ©e pour cĂ©der la place Ă  l’installation de baraquements, de roulottes et de taudis qui ont regroupĂ© les travailleurs pauvres, les chiffonniers, les vagabonds, les mendiants et autres reprĂ©sentants des classes dangereuses » dont Louis Chevalier a rĂ©alisĂ© une cĂ©lĂšbre historiographie Chevalier, 2002. Aux marges de Paris, les zoniers » incarnent alors la figure du paria urbain qui inquiĂšte ou menace la sociĂ©tĂ© bourgeoise. PhotographiĂ©s par EugĂšne Atget [1] 1913 et filmĂ©s par Georges Lacombe 1928, ils apparaissent comme mis au ban d’une sociĂ©tĂ© industrielle qui les a frappĂ©s d’infamie. 3 Les zonards d’aujourd’hui composent une nouvelle strate de l’archĂ©ologie des marges urbaines. RĂ©cente, elle trouve ses racines syncrĂ©tiques loin des anciennes fortifications de Paris, dans l’entremĂȘlement des subcultures punk et traveller nĂ©es outre-Manche au cours des dĂ©cennies 1970 et 1980. Tandis que la zone d’hier correspondait Ă  un territoire bien dĂ©limitĂ©, celle d’aujourd’hui se matĂ©rialise dans les dĂ©placements de groupes qui Ă©voluent principalement dans les intervalles des villes. Si les zonards contemporains ne sauraient par consĂ©quent ĂȘtre vus comme leurs descendants directs, ils partagent nĂ©anmoins avec les zoniers d’autrefois certaines propriĂ©tĂ©s de situation dans l’espace social. Les uns comme les autres restent en effet confinĂ©s Ă  des espaces caractĂ©risĂ©s par la relĂ©gation, Ă  des situations Ă©rigĂ©es en problĂšme social. Ainsi la prĂ©sence et la visibilitĂ© des zonards – particuliĂšrement remarquĂ©es depuis le tournant des annĂ©es 2000 Ă  l’occasion des festivals dĂ©diĂ©s Ă  la musique ou aux arts de rue – sont-elles le plus souvent envisagĂ©es comme relevant d’une problĂ©matique d’encadrement d’une fraction de la jeunesse considĂ©rĂ©e comme dĂ©viante. Ils font l’objet d’une culture du contrĂŽle » Garland, 2001 qui oscille entre mesures de bannissement prises par certaines mairies et tentatives de rĂ©gulation d’une prĂ©sence dont il s’agit de maĂźtriser les potentiels effets pathogĂšnes. Les questions du sans-abrisme et de l’insĂ©curitĂ© ont dĂšs lors Ă©tĂ© posĂ©es, aux cĂŽtĂ©s des problĂšmes de santĂ© publique liĂ©s aux consommations d’alcool et de produits stupĂ©fiants Chobeaux, 2004, p. 41-42 ; Hurtubise et Vat Laaroussi, 2002 ; Van Hout, 2011. 4 Ainsi la vie et le quotidien des zonards apparaissent-ils essentiellement en nĂ©gatif de ce qu’en disent les pouvoirs publics ou les instances de rĂ©gulation sanitaire et sociale Langlois, 2014. Un nĂ©gatif qui, Ă  la maniĂšre d’une image photographique oĂč les contrastes apparaissent comme inversĂ©s, ne donne Ă  voir qu’un reflet d’une rĂ©alitĂ© dont ressortent les dĂ©fauts, comme les manques. Ce numĂ©ro d’Espaces et SociĂ©tĂ©s a pour objet de proposer une autre prise de vue. Celle-ci ouvre sur une double perspective la premiĂšre cible les modalitĂ©s d’intervention, ou de non-intervention, de la puissance publique vis-à‑vis des habitants et des acteurs de la zone. Hier comme aujourd’hui, comment les institutions font-elles face Ă  des populations qui, de maniĂšre subie ou choisie, se situent Ă  la marge des centralitĂ©s urbaines comme des normes sociales communĂ©ment partagĂ©es ? Quels sont les marges de manƓuvre accordĂ©es, les modalitĂ©s de rĂ©pression, les terrains d’entente Ă©ventuels, et comment se traduisent-ils du point de vue de la gestion de ces indĂ©sirables » ? La seconde focale a pour objet de restituer de l’intĂ©rieur les systĂšmes de valeurs qui orientent les actions des zonards. Du point de vue de ses acteurs, que dĂ©signe au juste ce signifiant dont la plasticitĂ© renvoie aux idĂ©es d’un espace indissociablement physique et symbolique ? Autrement dit, qu’il relĂšve de l’auto-attribution ou du stigmate, Ă  quoi correspond exactement le label zonard dans les mondes de la marge et leurs territoires ? Quels en sont les codes et de quelles façons se transmettent-ils ? 5 Pour rĂ©pondre Ă  cette double interrogation, ce dossier se dĂ©cline en trois thĂ©matiques. Les deux premiers articles traitent de la zone parisienne dans une perspective sociohistorique. Les trois articles suivants proposent une description dense » Geertz, 2003 des modes de vie zonards aujourd’hui, en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Ces modes de vie valorisent une forme d’entre-soi tentĂ© par le dĂ©tachement vis-à‑vis de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e. Enfin, parce que la zone ne constitue jamais un espace totalement Ă  part, l’ensemble se clĂŽt par une analyse du recours aux dispositifs de l’infra-assistance, incluant la maniĂšre dont ce recours s’inscrit dans la construction d’une identitĂ© zonarde revendiquĂ©e. 6 En finalitĂ©, l’objet de ce dossier rĂ©side dans les diffĂ©rentes façons de produire ces formes mouvantes de marginalitĂ©, dont les frontiĂšres indĂ©cises fluctuent entre conceptions Ă©miques la perspective des zonards et visions Ă©tiques celles de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e et des pouvoirs publics. PlutĂŽt que de rĂ©duire le flou dont la notion de zone est empreinte, nous avons donc considĂ©rĂ© son caractĂšre labile comme le principal levier d’une approche qui articule espace et histoire ou diachronie et synchronie des usages et des modes de gestion d’une territorialitĂ© marginale. Une sociohistoire de la zone, espace de relĂ©gation7 La premiĂšre partie de notre dossier dĂ©taille le passage de la figure du zonier Ă  celle du zonard, et donc la progressive modification des territoires de la zone. Cette enquĂȘte est ouverte par Anne Granier, laquelle concentre ses efforts sur la pĂ©riode de l’entre-deux-guerres et la microhistoire d’un segment de la zone parisienne situĂ© Ă  Boulogne-sur-Seine. L’auteure s’est consacrĂ©e Ă  retracer la gĂ©nĂ©alogie du peuplement comme des conflits qui ont animĂ© cet espace, marquĂ© par l’la intolĂ©rance des pouvoirs publics Ă  l’égard de ses occupants. En effet, si les pouvoir publics tolĂ©raient l’existence de la zone faute de mieux, par nĂ©cessitĂ© de loger les plus pauvres d’entre les ouvriers qui ne pouvaient s’acquitter des loyers de Paris intra-muros, ils n’avaient pourtant de cesse de vouloir Ă©liminer le problĂšme social qu’ils constituaient Ă  leurs yeux. La tolĂ©rance cĂ©dait alors le pas Ă  l’intolĂ©rance pour des zoniers constamment en porte-Ă -faux vis-à‑vis de la loi. Or, les gens sans aveu » n’ont pas tĂ©moignĂ© seuls subsistent les propos tenus par ceux – dĂ©cideurs politiques, reprĂ©sentants de la loi et, plus rarement, petits propriĂ©taires zoniers – qui Ă©taient en charge de l’administration quotidienne de cette enclave partagĂ©e entre Paris et banlieue, de mĂȘme qu’entre reconnaissance partielle et marginalitĂ©. C’est donc le quotidien de ce territoire ambivalent qu’Anne Granier s’est efforcĂ©e d’exhumer des archives, territoire qui fait moins l’objet d’une rĂ©pression que d’un abandon surveillĂ© oĂč, tout au long des annĂ©es 1920 et 1930, les pauvres sont restĂ©s dans la visĂ©e des pouvoirs publics qui les ont encadrĂ©s mollement, les abandonnant le plus souvent Ă  leur sort, dans l’attente de trouver une hypothĂ©tique solution Ă  leur indigence. 8 Élargissant la focale historique portĂ©e sur la zone de Paris, James Cannon interroge pour sa part la dĂ©clinaison historique des labels de dangerositĂ© et d’infamie que la zone a charriĂ©s tout au long du xxe siĂšcle. De la Belle Époque aux annĂ©es 1970, en passant par l’entre-deux-guerres, l’auteur puise dans diverses sources, dont celles de la littĂ©rature et de la chanson populaire, pour montrer comment les gĂ©nĂ©rations successives de zoniers et de zonards ont incarnĂ© diffĂ©rentes versions des classes dangereuses » Ă©voluant aux marges de Paris. Tour Ă  tour perçus comme des rĂ©volutionnaires en puissance, des agents de l’étranger et des hommes dĂ©pravĂ©s voire les trois Ă  la fois, les zoniers ont constituĂ© une figure marginale et le plus souvent criminalisĂ©e ; cette criminalisation a suivi diverses inspirations, selon les analystes et leurs sensibilitĂ©s idĂ©ologiques ou religieuses. C’est ainsi que la zone et ses habitants apparaissent comme d’efficaces rĂ©vĂ©lateurs de la maniĂšre dont la sociĂ©tĂ© française a construit ses figures de l’altĂ©ritĂ© tout au long du premier xxe siĂšcle. Mais quid des Trente Glorieuses au cours desquelles la zone est effacĂ©e par les travaux du pĂ©riphĂ©rique urbain, disparaissant ainsi en tant qu’espace annulaire qui constituait une ceinture de misĂšre autour de Paris ? Avec l’émergence de la figure moderne du zonard au dĂ©tour de la dĂ©cennie 1970, James Cannon montre que la zone dĂ©mantelĂ©e en tant qu’espace physique se reconstitue comme style de vie marginal ; un style de vie dont les habitudes et les usages de la ville entrent le plus souvent en contradiction avec les rĂšgles, voire les lois en vigueur dans la sociĂ©tĂ© instituĂ©e. La zone, territoire de rĂ©sistances ?9 Le texte de James Cannon, qui se termine par cette Ă©vocation des zonards de la dĂ©cennie 1970, fait ainsi la jonction avec la suite du dossier. En retraçant l’ethnobiographie de Gavroche, JĂ©rĂŽme Beauchez engage en effet un dialogue avec un zonard des annĂ©es 1990 et 2000, dealer de drogues et voyou auto-proclamĂ©, sur le fond d’une anthropologie collaborative [2]. Tandis que le rĂ©cit de cette expĂ©rience de la zone Ă©nonce son code du deal et de la rue, le chercheur interroge les significations d’une telle conduite de vie dont il souligne moins la rĂ©sistance qu’une certaine conformitĂ© avec les principes les plus communs du commerce lĂ©gal et de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e. Gavroche dĂ©crit en effet les savoir-faire, comme le savoir-survivre » Zeneidi-Henry, 2002 et les rĂšgles qui prĂ©sident Ă  son mĂ©tier de dealer ; un mĂ©tier dont l’exercice est articulĂ© aux espaces de la zone dans lesquels il fait figure de patron d’une petite entreprise criminelle centrĂ©e sur la maximisation du profit. Les moyens sont ceux des techniques de vente et de management oĂč la violence se justifie par les nĂ©cessitĂ©s d’un marchĂ© dont les Ă©changes – petits ou grands – alimentent un vĂ©ritable capitalisme de la rue. En pĂ©nĂ©trant de plain-pied cette zone partagĂ©e entre les commerces interlopes les plus cachĂ©s et les principes marchands les plus avouĂ©s, l’article offre une perspective incarnĂ©e sur une maniĂšre de vivre et de constituer un territoire dont la marginalitĂ© ne signifie aucunement l’opposition radicale ou l’absence de contact avec la sociĂ©tĂ© instituĂ©e. 10 Une Ă©chelle et un mode de description similaires ont Ă©tĂ© privilĂ©giĂ©s par Marcelo Frediani, dont l’enquĂȘte ethnographique conduite pendant la premiĂšre moitiĂ© des annĂ©es 1990 aux cĂŽtĂ©s des New Travellers en Grande-Bretagne Frediani, 2009 permet d’éclairer la gĂ©nĂ©alogie et le mode de vie de groupes qui ont fortement influencĂ© les gĂ©nĂ©rations actuelles de zonards français [3]. L’auteur dresse un portrait de celles et ceux dont il a partagĂ© la vie quotidienne en camion, sur les routes et dans des campements aussi sauvages qu’éphĂ©mĂšres ; une vie que l’auteur dĂ©crit comme adossĂ©e Ă  une culture alternative inspirĂ©e d’un syncrĂ©tisme d’influences marginales qui vont du mouvement hippie Ă  l’anarcho-punk, en passant par les spiritualitĂ©s new age, la musique Ă©lectronique et les free parties [4]. Tout l’enjeu du texte de Marcelo Frediani consiste dĂšs lors Ă  rassembler ces faisceaux d’influences et d’expĂ©riences autour de la question du besoin radical » d’espace qui aurait conduit les Travellers Ă  prendre la route. Que l’on ne s’y trompe pas un tel besoin n’est pas aussi trivial qu’un simple appel de la vie au grand air. S’il est radical, c’est justement parce qu’il rĂ©pond, selon le chercheur, Ă  une nĂ©cessitĂ© créée par les forces d’éviction du capitalisme nĂ©olibĂ©ral qui poussent les plus fragiles vers les marges du salariat et de l’habitat conventionnel. Il s’agit alors aussi bien d’échapper Ă  la spirale de l’enfermement dans les logiques du dĂ©classement que de combler ses besoins vitaux – se nourrir, se loger, nouer des rapports sociaux – et de s’engager dans une forme de radicalisme infrapolitique, ou de contre-culture, capable de constituer une alternative Ă  l’éviction. Cette alternative s’exprime au travers des communautĂ©s de pratique » que forment les Travellers en s’inscrivant dans des rĂ©seaux d’entraide fondĂ©s sur un socle de valeurs communes. Elle constitue Ă©galement une forme de retournement des stigmates qui conduit les Ă©vincĂ©s Ă  faire de leur Ă©viction un principe de libertĂ© ou, Ă  tout le moins, de rĂ©invention d’un espace du quotidien qui semble reprendre ses droits aux marges de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e [5]. 11 Nombre de parallĂšles peuvent ainsi ĂȘtre tracĂ©s avec la zone de Gavroche dĂ©crite par JĂ©rĂŽme Beauchez. Dans les deux cas, l’engagement marginal relĂšve moins d’une opposition que d’une alternative aux fonctionnements socio-Ă©conomiques marquĂ©s par les logiques d’exclusion du capitalisme nĂ©olibĂ©ral. Tandis que Gavroche s’est contentĂ© de les retourner Ă  son avantage dans les territoires oĂč il s’est comportĂ© en patron de sa petite entreprise criminelle, les Travellers rencontrĂ©s par Marcelo Frediani ont pour leur part conçu une critique radicale de ces fonctionnements. Cela Ă©tant, pas plus que Gavroche, ils n’envisagent de fonder un mouvement qui aurait pour objet de promouvoir un changement de sociĂ©tĂ©. De leur point de vue, il s’agirait plutĂŽt d’échapper Ă  sa violence et de prendre le large, entre soi. 12 Un entre-soi que l’anthropologue et photographe Ralf Marsault a Ă©galement documentĂ© depuis sa longue expĂ©rience des Wagenburgen berlinoises. Celles-ci dĂ©signent les rassemblements de caravanes et de camions qui ont commencĂ© Ă  s’établir dans les friches et autres interstices de la ville peu aprĂšs la chute du Mur Ă  la fin de l’annĂ©e 1989 Marsault, 2010. Ouverts illĂ©galement, ces espaces oĂč se sont installĂ©s Travellers, punks et zonards issus de toute l’Europe avec une majoritĂ© de Britanniques et de Français font l’objet d’une certaine tolĂ©rance de la part des pouvoirs publics. De tels campements constituent un excursus europĂ©en Ă  l’histoire des Travellers retracĂ©e par Marcelo Frediani, de mĂȘme qu’une sorte de pendant germanique et fin de siĂšcle le xxe plutĂŽt que le xixe de la zone parisienne. À l’instar de cette derniĂšre, nombre de Wagenburgen se sont en effet Ă©tablies sur une ancienne zone militaire non aedificandi celle du no man’s land qui sĂ©parait l’Est et l’Ouest de Berlin Marsault, 2010, p. 36. Il n’est pas jusqu’à l’appellation de Wagenburg qui ne garde une connotation martiale, puisque le terme a d’abord dĂ©signĂ© une tactique de dĂ©fense consistant Ă  Ă©riger un mur de chariots » Wagen signifiant le vĂ©hicule et Burg l’idĂ©e de place forte pour parer les attaques de l’ennemi sur les champs de bataille. De loin en loin, cette idĂ©e semble perdurer aujourd’hui parmi les Wagenburger. La plupart conçoivent leur mode de vie Ă  la façon d’une rĂ©sistance – certes plus passive qu’agressive – impliquant une stratĂ©gie de repli qui les prĂ©serverait des obligations comme des injonctions Ă  la normalisation. Ralf Marsault se concentre alors sur les constructions qui font la Wagenburg – ses venelles, ses placettes et ses maisons –, et procĂšdent d’un ensemble de matĂ©riaux de rĂ©cupĂ©ration que les Wagenburger dĂ©tournent afin de concevoir une maniĂšre originale d’investir leur territoire et de l’habiter. Ce systĂšme d’objets est conçu par l’auteur comme la projection au sol des reprĂ©sentations qui animent les habitants. Au-delĂ  d’une simple figure du campement, cette hypothĂšse lui permet d’observer la Wagenburg comme une tentative de situationnisme sauvage qui n’est pas sans Ă©voquer une version punk de la Nouvelle Babylone imaginĂ©e par Constant [6]. Tracer les cartes de significations » d’une subculture marginale13 Outre les convergences dĂ©jĂ  relevĂ©es, les trois Ă©tudes prĂ©sentĂ©es au point prĂ©cĂ©dent partagent un mĂȘme intĂ©rĂȘt pour ces territoires qui sont le fait d’individus et de groupes Ă©voluant dans ce que Patrick Brunetaux et Daniel Terrolle Ă©d., 2009 ont appelĂ© l’ arriĂšre-cour de la mondialisation ». Depuis l’enracinement subjectif dans la zone de Gavroche jusqu’aux objets qui peuplent le territoire des Wagenburger en passant par le systĂšme de valeurs des Travellers, cette arriĂšre-cour a Ă©tĂ© investie par des enquĂȘtes qui, sans pour autant sacrifier Ă  une forme de romantisme des marges, ont refusĂ© l’essentialisation misĂ©rabiliste conduisant Ă  enfermer les pauvres dans leur pauvretĂ©, ou Ă  condamner les dĂ©classĂ©s au dĂ©classement. Par la mise en Ă©vidence du tout un savoir-survivre – fĂ»t-il parfois violent comme dans le cas de Gavroche –, il s’est plutĂŽt agi de souligner l’agentivitĂ© alternative [7] dont font preuve celles et ceux qui s’efforcent de construire une Ă©chappatoire et d’inventer leurs territoires en marge de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e. Pour autant, celle-ci ne disparaĂźt pas d’un quotidien fait d’évitements, mais aussi de frottements plus ou moins rĂąpeux avec des institutions et des lois censĂ©es encadrer celles et ceux qui affichent leur souhait d’y Ă©chapper. 14 Ces frottements sont au cƓur de l’article signĂ© par CĂ©line RothĂ©, laquelle nous ramĂšne en France, pour conclure ce dossier par une rĂ©flexion sur la façon dont les zonards perçoivent et utilisent les dispositifs d’assistance qui leur sont destinĂ©s, en particulier celui d’un accueil de jour dit Ă  bas seuil d’exigence. Ce lieu est pris dans une nĂ©gociation permanente entre logiques zonardes et relatif effacement des travailleurs sociaux, qui maintiennent toutefois la prĂ©sence discrĂšte d’un cadre assorti de ses rĂšgles. Rien du style de vie des zonards n’est forclos de ce lieu les chiens y ont droit de citĂ© mais en nombre limitĂ©, tout comme les substitutifs aux opiacĂ©s dont la consommation addictive – comme celle d’autres substances – concerne un nombre consĂ©quent de celles et ceux qui disent avoir choisi la rue. L’idĂ©e d’un tel choix, comme ses mises en rĂ©cit, fournissent Ă  la chercheuse un matĂ©riau Ă  partir duquel sont interrogĂ©es des conceptions de la mobilitĂ© et du territoire qui voudraient renverser la situation de relative assistance dans laquelle la sociologue trouve ses enquĂȘtĂ©s. À ce titre, les lieux de l’urgence sociale ne sont pas de simples pourvoyeurs de services de premiĂšre nĂ©cessitĂ© ; ils apparaissent avant tout comme des lieux de socialisation zonarde et de requalification symbolique pour les reprĂ©sentants de ces groupes par ailleurs largement disqualifiĂ©s. 15 La recherche sur la zone et ses expĂ©riences n’en est encore qu’à ses balbutiements. Cette livraison d’Espaces et SociĂ©tĂ©s propose une premiĂšre articulation d’enquĂȘtes Ă  partir desquelles sont retracĂ©es quelques-unes des cartes de significations » qu’utilisent les zonards pour s’orienter dans leurs mondes [8]. Situer de tels rĂ©seaux de signifiance dans l’histoire et les espaces de la zone nous a conduits Ă  apprĂ©hender les diffĂ©rentes façons dont ses acteurs donnent du sens Ă  leurs conduites comme aux styles de vie qu’ils ont privilĂ©giĂ©s ; pratiques fondĂ©es dans une certaine promotion de la solidaritĂ©, mais qui se paye parfois au prix fort de la rue, dont les duretĂ©s n’épargnent pas ceux qui disent l’avoir choisie et l’aimer. 16 Si les anthropo-logiques zonardes sont des visions du monde et des solutions pour le vivre, leur comprĂ©hension de l’intĂ©rieur constitue dans le mĂȘme temps une condition sine qua non pour Ă©tablir une base de dialogue capable de faire socle Ă  une vĂ©ritable rencontre entre le monde des institutions et celui des zonards, lequel ne saurait ĂȘtre rĂ©duit Ă  un espace oĂč rĂ©gnerait l’anomie. Tandis que les communitas qu’ils forment apparaissent au premier regard comme des contre-structures » dont les dĂ©rĂšglements se heurtent aux principes organisateurs de la sociĂ©tĂ© instituĂ©e Turner, 1990, les enquĂȘtes prĂ©sentĂ©es ici laissent apparaĂźtre les multiples points de jonction qui nous rapprochent d’eux. Voici sans doute l’une des questions fondatrices des sciences sociales Ă  laquelle nous confronte l’étude de la zone. Car il en va ici comme de toute production d’altĂ©ritĂ©, qui soit maximise la dissemblance pour la cĂ©lĂ©brer ou la condamner, soit insiste sur la ressemblance afin d’annihiler les diffĂ©rences. PlutĂŽt que de la refermer, ce dossier ambitionne de rĂ©vĂ©ler une nouvelle facette de cette question, qu’il ne faut assurĂ©ment pas cesser d’ouvrir. Notes [1] Atget EugĂšne, 1913, Zoniers, sĂ©rie de photographies rĂ©alisĂ©es Ă  Paris entre 1899 et 1913, archivage sur le site internet de la BibliothĂšque nationale de France, [url consultĂ© le 14 avril 2017. [2] Beauchez a exposĂ© ailleurs la vision comme les dĂ©terminants biographiques de son enquĂȘte Beauchez, 2017. Tout comme Tristana Pimor a rĂ©flĂ©chi dans les colonnes d’Espaces et SociĂ©tĂ©s Ă  ces formes de symĂ©trie dans l’investigation qu’elle a coconstruite avec un groupe de zonards Pimor, 2016. [3] Sur le mĂȘme sujet, voir Ă©galement l’ouvrage pionnier de Kevin Hetherington 2000 ou les photographies publiĂ©es par Traveller Dave Fawcett, qui a mis en images sa communautĂ© nomade et leurs façons d’habiter en perpĂ©tuel voyage Fawcett, 2012. [4] Il s’agit de fĂȘtes techno tenues en plein air, le plus souvent sans autorisation et, donc, sur des terrains ou des champs squattĂ©s pour l’occasion. [5] Cette importance de la rĂ©appropriation d’un territoire en tant qu’ancrage d’une identitĂ© positive – et non plus seulement dĂ©finie par la nĂ©gativitĂ© du dĂ©faut ou du manque – a Ă©tĂ© soulignĂ©e par Emmanuel Renault et Djemila Zeneidi Ă  partir de l’enquĂȘte que celle-ci a menĂ©e pendant plusieurs annĂ©es dans une friche industrielle transformĂ©e en scĂšne artistique anarcho-punk Renault et Zeneidi-Henry, 2008. [6] New Babylon est une utopie architecturale pensĂ©e par Constant Nieuwenhuys, un artiste nĂ©erlandais fondateur du mouvement Cobra et compagnon de route de l’Internationale situationniste. L’idĂ©e fondatrice de la Nouvelle Babylone – Ă  laquelle Constant a travaillĂ© de 1956 Ă  1974, influençant toute une gĂ©nĂ©ration d’architectes et d’urbanistes – est que les relations sociales doivent ĂȘtre au principe de l’édification spatiale d’une ville nomade, entiĂšrement montĂ©e sur pilotis et dont les configurations sont conçues comme perpĂ©tuellement mouvantes les bĂątiments sont modulables au grĂ© des situations que crĂ©ent les habitants Ă  propos de l’Ɠuvre de Constant, voir Zegher et Wigley Ă©d., 2001. [7] Ou de documenter les compĂ©tences prĂ©caires », qui dĂ©signent les multiples savoir-faire et savoir-ĂȘtre, inĂ©galement protecteurs, acquis au cours de l’expĂ©rience de la prĂ©caritĂ© par les acteurs sociaux disposant de faibles ressources Ă©conomiques, sociales et symboliques Bouillon, 2009, p. 203-213. [8] Au sens oĂč Stuart Hall et Tony Jefferson ont Ă©crit que les cartes de signification » maps of meaning consistent dans les aspects d’une subculture Ă  partir desquels ses membres dessinent l’intelligibilitĂ© de leur environnement quotidien Hall et Jefferson Ă©d., 2006, p. 4. Une sociohistoire de la zone, espace de relĂ©gationLa zone, territoire de rĂ©sistances ?Tracer les cartes de significations » d’une subculture marginale RĂ©fĂ©rences bibliographiquesAngeras AnaĂŻs, 2012, Du nomadisme contemporain en France. Avec les saisonniers agricoles en camion, ouvrage ligneBeauchez JĂ©rĂŽme, 2017, L’ethnographe dans le sous-terrain fragments biographiques », Anthropologica, vol. 59, no 1, p. 101-113. En ligneBouillon Florence, 2009, Les mondes du squat. Anthropologie d’un habitat prĂ©caire, Paris, Presses universitaires de Patrick et Terrolle Daniel Ă©d., 2010, L’arriĂšre-cour de la mondialisation. Ethnographie des paupĂ©risĂ©s, Brignais, Les Éditions du Louis, 2002 [1958], Classes laborieuses et classes dangereuses Ă  Paris pendant la premiĂšre moitiĂ© du xixe siĂšcle, Paris, François, 2004 [1996], Les nomades du vide. Des jeunes en errance, de squats en festivals, de gares en lieux d’accueil, Paris, La Traveller Dave, 2012, Traveller Homes, Stroud, Amberley Marcelo, 2009, Sur les routes. Le phĂ©nomĂšne des New Travellers, Paris, Éditions ligneGarland David, 2001, The Culture of Control. Crime and Social Order in Contemporary Society, Chicago, University of Chicago Clifford, 2003 [1973], La description dense. Vers une thĂ©orie interprĂ©tative de la culture », L’EnquĂȘte de terrain, D. CefaĂŻ Ă©d., Paris, La DĂ©couverte, p. Stuart et Jefferson Tony Ă©d., 2006 [1976], Resistance through Rituals. Youth Subcultures in Post-War Britain, Londres-New York, Kevin, 2000, New Age Travellers. Vanloads of Uproarious Humanity, Londres-New York, Cassell. En ligneHurtubise Roch et Vatz Laaroussi MichĂšle, 2002, RĂ©seaux, stratĂ©gies et compĂ©tences pour une analyse des dynamiques sociales Ă  l’Ɠuvre chez les jeunes de la rue », L’homme et la sociĂ©tĂ©, no 143-144, p. ligneLaberge Danielle et Roy Shirley Ă©d., 1996, dossier Jeunes en difficultĂ© de l’exclusion vers l’itinĂ©rance », Cahiers de recherche sociologique, no Georges, 1928, La Zone. Au pays des chiffonniers, court mĂ©trage muet, 28’, Paris, Les Films Charles Dullin. En ligneLanglois Emmanuel, 2014, De l’inconvĂ©nient de n’ĂȘtre le problĂšme de personne cĂ©citĂ© institutionnelle et vulnĂ©rabilitĂ© sociale des jeunes en errance », PensĂ©e plurielle, no 35, p. Ralf, 2010, RĂ©sistance Ă  l’effacement. Nature de l’espace et temporalitĂ© de la prĂ©sence sur les Wagenburgs de Berlin entre 1990 et 1996, Dijon, Les Presses du Michel, 2002, La rue attractive. Parcours et pratiques identitaires des jeunes de la rue, Sainte Foy, Presses de l’universitĂ© du QuĂ©bec. En lignePattegay Patrice, 2001, L’actuelle construction, en France, du problĂšme des jeunes en errance. Analyse critique d’une catĂ©gorie d’action publique », DĂ©viance et sociĂ©tĂ©, no 3, p. 257-278. En lignePimor Tristana, 2014, Zonards. Une famille de rue, Paris, Presses universitaires de France. En ligne— 2016, Les espaces zonards vers une observation collaborative », Espaces et sociĂ©tĂ©s, no 164-165, p. ligneRenault Emmanuel et Zeneidi-Henry Djemila, 2008, Formes de reconnaissance conflictuelle relations sociales, appropriation de territoire, culture et politique dans un groupe de punks squatters », La reconnaissance Ă  l’épreuve. Explorations socio-anthropologiques, Payet et A. Battegay Ă©d., Villeneuve d’Ascq, Presses universiatires du Septentrion, p. Lionelle, 1985, La manche », Informations sociales, no 5, p. Victor, 1990 [1969], Le phĂ©nomĂšne rituel. Structure et contre-structure, Paris, Presses universitaires de ligneVan Hout Marie-Claire, 2011, Assimilation, habitus and drug use among Irish Travellers », Critical Public Health, vol. 21, no 2, p. Catherine de et Wigley Mark Ă©d., 2001, The Activist Drawing. Retracing Situationist Architectures from Constant’s New Babylon to Beyond, New York-Cambridge, The Drawing Center-The mit Djemila, 2002, Les sdf et la ville. GĂ©ographie du savoir-survivre, Paris, BrĂ©al. Distribution Ă©lectronique pour ÉrĂšs © ÉrĂšs. Tous droits rĂ©servĂ©s pour tous pays. Il est interdit, sauf accord prĂ©alable et Ă©crit de l’éditeur, de reproduire notamment par photocopie partiellement ou totalement le prĂ©sent article, de le stocker dans une banque de donnĂ©es ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque maniĂšre que ce soit. Dansle cadre de Bruges 2002, capitale culturelle de l'Europe, une expĂ©rience originale fut tentĂ©e par l'association «Art en marge». Quatre artistes plasticiens (Jacques Charlier, Bob Verschuren, Ronny Delrue et FrĂ©dĂ©ric Gaillard) ont prĂ©parĂ© des oeuvres avec quatre handicapĂ©s. Ils ont travaillĂ© en duos pendant cinq Zoom sur les artistes exposants Soone Graffiti-artiste Soone, graffiti-artiste s’exprime dans le design, le graffiti et la mode. CrĂ©ateur libre, sans contrainte ni frontiĂšre, il donne vie Ă  des objets divers et variĂ©s, du design de meubles aux accessoires de fameuses marques. Snake Graffiti-artiste RĂ©putĂ© pour son processus unique en son genre, Snake livre sa propre vision du graffiti des grands espaces, de la rue Ă  l’atelier, en fusionnant la symbolique figurative Ă  la typographie urbaine, nommĂ© TypogractĂšre ». Apache Graffiti-artiste Apache, artiste “graffiti-vandalepur-et-dur” aime graffer sur le terrain », ce territoire de l’ombre qui l’a amenĂ© Ă  la lumiĂšre et dans lequel il puise toute son Ă©nergie. Sa motivation, la compĂ©tition ; son adrĂ©naline, l’interdit Der Graffiti-artiste L’Ɠuvre de Der revisite le calligramme et le writing et s’empare d’élĂ©ments empruntĂ© Ă  la pop culture. Un artiste qui maĂźtrise la technique pour donner vie Ă  ses crĂ©ations qu’il investit. Sike Graffiti-artiste Sike, artiste vandaliste » en marge de la sociĂ©tĂ©, est un vĂ©ritable acharnĂ© du tag et des lettres. Julie Beguin Peintre Quand d’autres Ă©crivent d’une plume, maux et plaisirs de la vie, Julie BĂ©guin pose sur la toile ses humeurs en couleurs. PassionnĂ©e d’art et de dessin depuis toujours, si elle laisse parler sa crĂ©ativitĂ© dans sa peinture, au doigt, au pinceau, Ă  la bombe et mĂȘme Ă  l’éponge, c’est surtout Ă  l’instinct qu’elle croque son destin. InspirĂ©e par le moindre ressenti, Ă©chappatoire, bulle, explosion ou exutoire, ces tableaux lookĂ©s contemporains racontent l’introspection sans borne, celle qui splashe sans faire de tĂąches. Eric Roussel Peintre Issu d’une famille maternelle vĂ©nitienne de mosaĂŻstes d’art, l’artiste Eric ROUSSEL a Ă©tĂ© initiĂ© dĂšs l’enfance Ă  cette spĂ©cialitĂ©. Cette dĂ©couverte des Ă©clats de lumiĂšres colorĂ©es des matiĂšres, s’exprime aujourd’hui, dans ses peintures Ă  l’huile. De ses toiles se dĂ©gagent des vibrations fortes et une Ă©nergie aussi dĂ©bordante que communicative. Arnaud Chapalain Peintre NĂ© le 29 juin 1980,Ă  Tonnerre en Bourgogne, il crĂ©e sa premiĂšre toile en voulant reproduire le tableau que sa mĂšre voulait acheter. Peintre autodidacte, il n’utilise que le noir pour jouer en transparence avec le blanc de son support que ce soit une toile ou du bois. Il cherche l’intensitĂ© du regard de ses sujets pour toucher la sensibilitĂ© du spectateur Les yeux sont le miroir de l’ñme » GĂ©raldine G. Plasticienne Autodidacte de 33 ans et passionnĂ©e de pop art, chacune des Ɠuvres de GĂ©raldine G. est unique et demande des dizaines d’heures de travail. InspirĂ©e par des grands noms tels que Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Keith Haring, son univers est joyeux et colorĂ©. MalgrĂ© sa tĂ©traplĂ©gie dĂ» Ă  une maladie neuromusculaire, chaque tableau est un combat gagnĂ© et lui procure une sensation de libertĂ© qu’elle est fiĂšre de transmettre Ă  tous ceux qui apprĂ©cient son travail. Mohamed Zadi Peintre et sculpteur Artiste autodidacte, il s’intĂ©resse des son plus jeune Ăąge Ă  la peinture et Ă  la sculpture. Depuis ces derniĂšres annĂ©es, il a activement participĂ© aux mouvements artistiques nationaux avec plusieurs expositions individuelles et collectives au Maroc. Draz Photographe Photographe autodidacte, Draz fait ses classes dans les ruelles. Il s’oriente naturellement vers le portrait. Nouvelles technologies, procĂ©dĂ©s photographiques anciens, Draz mĂ©lange les genres et rĂ©alise un voyage intĂ©rieur dont chaque pas est, pour lui, plus essentiel que la destination. Cobra Art Compagny Collectif de photographes PassionnĂ©s d’art et de dĂ©coration, Cobra Art Company collabore avec des photographes et artistes internationaux pour crĂ©er leurs propres collections d’art. La marque est reconnue pour ses tableaux de photos sur plexiglass. HervĂ© Nys Sculpteur automobile Sculpteur d’Art automobile, HervĂ© NYS est nĂ© en 1960 Ă  Cagnes-sur-Mer. Il fait ses Ă©tudes dans la mĂ©canique agricole puis s’engage dans l’aĂ©ronavale en tant que mĂ©canicien avion. La fusion de sa maitrise du bronze et de son expĂ©rience de la mĂ©canique, donne naissance Ă  des sculptures inĂ©dites dans l’Art contemporain. Julien Durix Peintre Julien Durix est un jeune artiste qui met en scĂšne des protagonistes de son enfance. Depuis toujours des personnages iconiques cĂŽtoient ses toiles. Il peint comme il respire, et il nous invite Ă  le rejoindre dans ce monde plein de couleurs oĂč il laisse libre court Ă  son imagination dĂ©bordante. Tiven Peintre Certaines compositions de Tiven sont accompagnĂ©es de textes en forme de haĂŻkus qui parlent de nos luttes quotidiennes. Elle peint Ă  l’acrylique sur toile de coton ou de lin, finissant par un vernis qui donne Ă  ses piĂšces un effet huile». Thomas Crauwels Photographe Thomas est un passionnĂ© des hauts sommets des Alpes suisses et françaises. Depuis 10 ans il parcourt inlassablement ces hauts espaces pour transmettre sa fascination du monde minĂ©ral et de glace qui constitue la haute montagne. Thomas est en recherche permanente d’ambiances, de textures et de lumiĂšres. Jean-Luc Sert Peintre Le travail Ă  l’huile me pousse naturellement » Ă  pratiquer une peinture de terre, de sang et d’eau. Je vais Ă  la rencontre de chacun de mes tableaux, me centrant sur ce qu’il requiert au fur et Ă  mesure de sa rĂ©alisation, tout en respectant les invariants propres Ă  la peinture. Je fais provision de couleurs avec tous les Ă©lĂ©ments qui m’entourent. Julien Dalzon Photographe Des clichĂ©s pris aux 4 coins du globe voyages, paysages, montagnes, sports de glisse, tropiques, modĂšles et tout le beau croisĂ© en chemin ! La photographie, trĂšs contrastĂ©e, en noir et blanc, est coulĂ©e dans la rĂ©sine et la fibre de verre pour ensuite ĂȘtre montĂ©e sur une structure en acier brut et Ă©clairĂ©e de l’intĂ©rieure. Des Ɠuvres uniques qui allient photographie, art et design. Sarah Pastre Plasticienne DiplĂŽmĂ©e d’un Master d’études et de recherches sur la mode, je travaille depuis prĂšs de 20 ans dans le milieu du design de mode, de la crĂ©ation et du marketing. A travers cette collection, je cherche Ă  exprimer, rĂ©vĂ©ler et mettre en valeur des thĂšmes qui me sont chers. Ils se mĂȘlent et se superposent le corps, le textile et la dĂ©licatesse. Ces crĂ©ations textiles, sont en somme, la parfaite coĂŻncidence entre ma personnalitĂ©, ma sensibilitĂ© et mon savoir-faire. Vendredi Peintre A travaillĂ© et travaille toujours .. en musĂ©ographie pour des parcs nationaux et rĂ©gionaux, le Conservatoire du Littoral, des associations de protection de la nature, collectivitĂ©s, etc , 
 par la rĂ©alisation de sculptures, bas-reliefs, peintures, illustrations, maquettes, fresques, etc , 
Peinture figurative Ă  l’huile sur toile. Gil Crochet Peintre AprĂšs avoir produit une suite d’installations Ă©phĂ©mĂšres, mĂȘlant volumes, vidĂ©os, photographies et peintures dans les annĂ©es 2000, je suis revenu aux tableaux avec une production moins conceptuelle et plus sur l’expĂ©rience esthĂ©tique, l’émotion, le sensible. Au seuil de l’abstraction et de la figuration, la sĂ©rie prĂ©sentĂ©e Ă  l’espace 55 ce printemps 2021, Back to the trees » donne un sens plus figuratif, Ă  ce qui ne pourrait ĂȘtre que la volontĂ© d’une gestuelle purement abstraite Christelle Calmettes Photographe Auteur-photographe depuis 2005, la vision du rĂ©el de Christelle Calmettes est double trĂšs structurĂ©e voire graphique oĂč la composition est l’axe majeur de sa prise de vue ou bien trĂšs floue. Cette vision structurĂ©e lui permet de donner une certaine intemporalitĂ© dans ses images. Le flou reprĂ©sente la part d’imaginaire et d’interprĂ©tation propre Ă  chaque spectateur. La photographie doit dĂ©passer la description. Elle doit Ă  travers la description, amener le spectateur Ă  l’intĂ©rieur du sujet ou rĂ©vĂ©ler le sujet, non pas tel qu’il apparaĂźt mais de la façon dont on le ressent. » Philippe SĂ©billotte Photographe Philippe Sebillotte parcourt le monde depuis prĂšs de quinze ans pour dĂ©couvrir les hommes, les cultures et les paysages. C’est l’Inde qui le fascine dans un premier temps, pays oĂč il sĂ©journe Ă  de trĂšs nombreuses reprises. Ses pas le conduisent Ă©galement dans d’autres pays d’Asie et tout particuliĂšrement en Chine. Tout au long de ses pĂ©riples il aime observer et “saisir“ les gens, le spectacle de la rue et les moments magiques face Ă  des paysages sublimes et insolites qu’il choisit le plus souvent de traiter en noir et blanc. Olivier Robert Photographe Olivier Robert partage sa vie entre Europe et Japon. Depuis plus de 25 ans, sa photographie se base sur une expression minimaliste. InitiĂ© trĂšs jeune aux procĂ©dĂ©s de tirages en chambre noire, il acquiĂšre son premier appareil Ă  15 ans et dĂ©couvre Ă©galement l’Asie et ses richesses culturelles. Une expĂ©rience qui influencera dĂ©finitivement sa vie et son regard sur le monde. Aujourd’hui il se rend rĂ©guliĂšrement au Japon Ă  la recherche de scĂšnes naturelles qui lui inspirent intemporalitĂ©, simplicitĂ© et mystĂšre. Marc Muller Photographe Marc Muller a fondĂ© le Studio 404 en 2006. Photographe indĂ©pendant installĂ© Ă  Annecy depuis 2002 dans le domaine de la publicitĂ© et plus largement de l’Outdoor. SpĂ©cialiste des travaux de portraits, mode, sport ou architecture avec paysage reste au cƓur de son travail depuis ses dĂ©buts en 1995. Des images mentales apparaissent devant son objectif comme des Ă©vidences et le travail de rĂ©pĂ©tition par l’observation et la contemplation apporte l’image rĂȘvĂ©e. Savoir changer de dĂ©cor est aussi une chance prĂ©cieuse. Lolek Artiste sculpteur LOLEK est un artiste français, nĂ© en 1984. PrĂ©coce, il compose ses premiĂšres crĂ©ations en argile Ă  11 ans et propose ses premiers bronzes en exposition Ă  12 ans. Il rĂ©vĂšle un sens innĂ© des Ă©quilibres et travaille des formes gĂ©nĂ©reuses. Jean Christian Photographe JEAN CHRISTIAN s’attache tout d’abord Ă  capter la poĂ©sie de dĂ©tails ordinaires qui ne retiennent l’attention de personne traces, fissures, aspĂ©ritĂ©s, reflets et autres stigmates urbains. Ses crĂ©ations flamboyantes, mĂ©tissĂ©es et uniques invitent au voyage et vous emmĂšneront assurĂ©ment vers un ailleurs inattendu. GwenaĂ«l Bollinger Photographe Auteur photographe lyonnais nĂ© en 1973, GwenaĂ«l dĂ©couvre le monde de l’image grĂące Ă  diffĂ©rentes expĂ©riences dans le graphisme. Nourri et sensibilisĂ© Ă  l’importance de l’esthĂ©tique, il a rapidement ressenti le besoin de s’exprimer Ă  travers ses propres crĂ©ations. Ses sources d’inspiration proviennent d’univers picturaux variĂ©s tels que le cinĂ©ma, la peinture, ou la photographie. Christian Vogt Peintre Artiste peintre autodidacte, natif du monde
, inspirĂ© par de nombreux voyages, les grands espaces, la nature et une formidable rencontre qui m’ont rĂ©vĂ©lĂ© mon dĂ©sir de crĂ©er. Je peins essentiellement des portraits de femmes et d’hommes avec une technique Ă  l’huile. Ce qui m’intĂ©resse, c’est d’approcher l’ñme humaine derriĂšre chaque crĂ©ation, ces regards vous toucheront autant qu’ ils m’ont inspirĂ©s. Boucheret Photographe La sĂ©rie Metalrugit » revisite les annĂ©es pop art et cut-up dans un style trĂšs graphique et airbrushed oĂč le dĂ©tail – tĂŽle, cuir, cambouis, caoutchouc – devient l’objet central. Les triptyques associent les Ă©poques, les Ă©curies Ă  partir de vĂ©hicules emblĂ©matiques de l’histoire de la compĂ©tition automobile. En noir et blanc, il utilise des anciens appareils photos moyen format des annĂ©es 1920 Ă  1950 pour retrouver le modelĂ© et l’authenticitĂ© des reportages d’époque, Ă  l’instar de Jacques Henri Lartigue. Muliardo FQD Peintre et sculpteur Florence Muliardo Roy, artiste plasticienne se consacre aujourd’hui principalement Ă  la sculpture de grandes dents en rĂ©sine. La forme achevĂ©e, elle la laque et la sublime avec des personnages cĂ©lĂšbres rĂ©vĂ©lant un art lumineux et joyeux. Outre son originalitĂ©, son style se distingue par la prĂ©cision des formes et la touche d’humour insufflĂ©e. InfluencĂ© par le pop-art et le graffiti-art, il se caractĂ©rise par un univers trĂšs colorĂ©. Anita Rautureau Peintre Les tableaux de l’artiste chantent l’amour, la maternitĂ©, la saveur du temps, le bien-ĂȘtre humain dans la nature qui l’enveloppe. Les couleurs chatoyantes se posent sur des motifs floraux, linĂ©aires ou spiralaires, et la rondeur des traits et des arabesques caressent les sens du spectateur. Audrey Fortin MosaĂŻque d'Art J’explore avec modernitĂ© une technique de la mosaĂŻque traditionnelle et ancestrale. La concrĂ©tisation de mon art est issue du mĂ©lange entre mes voyages, mes rencontres, mon expĂ©rience et mon savoir-faire. C’est Ă  travers mes crĂ©ations que je vous propose une nouvelle façon de percevoir l’art de la mosaĂŻque et ses multitudes de possibilitĂ©s ». Chautagnat Plasticienne A travers la symphonie des couleurs et de la matiĂšre, l ’artiste rĂ©invente la crĂ©ation du monde. Sa gĂ©ographie cosmique s’apparente Ă  celle du rĂȘveur qui veut revoir l ’univers tout en beautĂ©, pour pallier aux offenses que les hommes lui portent. Peinture chaude et enveloppante qui vous pousse Ă  pĂ©nĂ©trer dans l ’infime des molĂ©cules de l’air et de l ’eau, du ciel et de la terre. Fred Bernard Peintre C’est la vie qui m’a amenĂ© Ă  la peinture. Chaque Ă©tape, chaque partie de mon existence construit la suivante. Le lien entre tout cela, c’est ma sensibilitĂ©. Je la dĂ©couvre Ă  l’ñge de six ans ; je prends conscience de cette Ă©nergie Ă  la mort de mon pĂšre. Ensuite, c’est une lutte, une incomprĂ©hension totale. VoilĂ  la premiĂšre Ă©tape ne rien comprendre. Pourtant je vibre Ă  tout, je ressens tout. » Hanae Biro Peintre Mes crĂ©ations reflĂštent le corps et l’esprit de la nature. Chacune de mes Ɠuvres est unique et aspire Ă  vous faire voyager dans de proches et lointaines contrĂ©es. Je souhaite que mes tableaux puissent colorer votre quotidien, Ă  l’instar du sourire de mes enfants qui colorie mon quotidien ».
Icivous trouvez la solution exacte à CodyCross Mode De Vie Des Artistes En Marge De La Société pour continuer dans le paquet Saisons Groupe 76 Grille 4. Over 100,000 English translations of French words and phrases. Ranging from Haircuts, Styling, Color, Treatments, Eyebrows and Lashes to Traveling Bridal Services, Mode De Vie is the go-to
S’il n’en existe pas de dĂ©finition consacrĂ©e, la notion d’habitats sauvages, choisie par l’artiste pour qualifier les lieux de vies des personnes qu’elle est allĂ©e rencontrer, permet Ă  la fois d’embrasser la complexitĂ© de son approche et l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des situations observĂ©es. Par opposition Ă  la notion de domestique, qui renvoie Ă  l’idĂ©e de la maison conventionnelle, celle de sauvage tĂ©moigne d’une volontĂ© de s’inscrire dans un mode d’habiter non-conventionnel, en marge ou en lisiĂšre de la sociĂ©tĂ©. Le sauvage, c’est ce qu’on ne connaĂźt pas, ce qui n’a pas Ă©tĂ© domestiquĂ©. Le sauvage fait peur pour ce qu’il s’écarte des standards sociĂ©taux. Pour les Ă©cologues, les habitats sauvages s’appliquent aux milieux naturels au sein desquels les animaux Ă©voluent. Dans des espaces naturels, agricoles ou forestiers, ces habitants de mobilhome, caravanes, cabanes, yourte, et autres constructions dĂ©montables, que l’artiste nous prĂ©sente, passent l’essentiel de leur temps Ă  l’extĂ©rieur et ont en commun avec les animaux sauvages, la vie en plein-air, au plus prĂšs de la nature et des saisons. Avec leurs tailles modestes, leurs procĂ©dĂ©s auto-constructifs, et la sobriĂ©tĂ© qui les caractĂ©rise, leurs habitats ne sont pas sans rappeler les nids ou les terriers des animaux de la forĂȘt. A travers ses portraits de personnes qui vivent dans des habitats sauvages, LĂ©na Durr s’appuie sur un travail ethnographique et documentaire pour dĂ©ployer un rĂ©cit intime et bienveillant, dans lequel elle donne Ă  voir des parcours et des modes de vie, qui Ă©chappent aux rĂšgles Ă©tablies, en dĂ©calage et en rĂ©sistance face Ă  des normes imposĂ©es, des territoires instables oĂč les notions de richesse, de bonheur et de temps libre sont remises en question. Alexandre Telliez-Moreni 2021 LĂ©na Durr Habitats Sauvages 1 juillet – 30 octobre 2022 Centre d’Art Contemporain de ChĂąteauvert 460 RĂ©parade, 83670 Chateauvert, France

Cesite vous permet de trouver en un seul endroit, tous les synonymes, antonymes et les rÚgles de conjugaison de la langue française. Dictionnaire-synonyme.com, c'est plus de 44800 synonymes, 15000 antonymes et 8600 conjugaisons disponibles. Vous utilisez ici les synonymes de bohÚme. Ces synonymes du mot bohÚme vous sont proposés à titre

La rĂ©sistance aux rĂšgles acadĂ©miques de l’AcadĂ©mie des beaux-arts 1 G. Monnier, L’Art et ses institutions en France, De la rĂ©volution Ă  nos jours, p. 61. 1Les artistes de la fin du xixe siĂšcle les plus avancĂ©s, prĂ©curseurs d’un art qui s’interroge sur lui-mĂȘme, sur sa nature, son rĂŽle et sa destination, sont liĂ©s au concept de modernitĂ© qui Ă©merge, dĂšs 1850, pour dĂ©signer les grands changements survenus aprĂšs les rĂ©volutions technique et industrielle. La modernitĂ© est alors perçue, par les thĂ©oriciens d’une avant-garde balbutiante, comme la manifestation d’un mode de pensĂ©e, de vie et de crĂ©ation, basĂ© sur le changement, et non plus sur les traditions anciennes d’une institution. L’AcadĂ©mie des beaux-arts, membre de l’Institut de France, créée le 21 mars 1816, entend, en effet, perpĂ©tuer les principes esthĂ©tiques des AcadĂ©mies royales de peinture et de sculpture fondĂ©es Ă  Paris en 1648. Sous son Ă©gide, les Ă©coles d’art dispensent aux Ă©lĂšves une formation scientifique gĂ©omĂ©trie, anatomie et perspective et humaine histoire et philosophie, et leur enseignent les techniques et les savoir-faire nĂ©cessaires Ă  l’élaboration d’une Ɠuvre. Elles transmettent les diktats d’une culture classique, attachĂ©e Ă  la recherche de l’idĂ©al du beau et de l’essence Ă©ternelle des choses, que les artistes suivent pour produire l’art des salons officiels, obtenir des commandes publiques, et s’attirer les faveurs d’une clientĂšle fortunĂ©e1. 2En 1863, toutefois, un vent de rĂ©volte souffle chez les artistes parisiens, car le jury du Salon de peinture et de sculpture, dĂ©signĂ© par les membres de l’AcadĂ©mie, refuse plus de 3 000 Ɠuvres sur les 5 000 envoyĂ©es Ă  l’institution. Les postulants exclus, dont Antoine Chintreuil 1814-1873 ou Édouard Manet 1832-1883, critiquent vigoureusement l’intransigeance des membres du jury du Salon et rĂ©clament un lieu d’exposition pour montrer leurs Ɠuvres au public parisien. InformĂ© du conflit, l’Empereur NapolĂ©on III dĂ©cide de financer une exposition des RefusĂ©s », qui doit se tenir au Palais de l’Industrie Ă  Paris. Cet Ă©vĂšnement obtient un certain succĂšs, malgrĂ© la polĂ©mique nĂ©e de la prĂ©sentation d’un tableau provocateur, Le DĂ©jeuner sur l’herbe de Manet, qui met sur le devant de la scĂšne la question de l’émancipation des peintres. 3De ce fait, trop conscients des limites qui leur sont imposĂ©es, nombre d’artistes dĂ©cident de se former dans des ateliers privĂ©s, dont l’enseignement est moins conventionnel que celui des Beaux-Arts, dans le but d’affirmer leur talent. C’est le cas du jeune Paul CĂ©zanne, qui a Ă©chouĂ© au concours d’entrĂ©e de l’École des beaux-arts de Paris, en 1861, en raison d’un tempĂ©rament coloriste jugĂ© excessif, et qui va suivre les cours de l’AcadĂ©mie de Charles Suisse, en 1862, oĂč il rencontre Alfred Sisley 1839-1899, Camille Pissarro 1830-1903, Claude Monet 1840-1926 et Auguste Renoir 1841-1919. Ces derniers refusent les rĂšgles acadĂ©miques et veulent baser les principes de leur crĂ©ation sur leur sensibilitĂ©, s’emparer de sujets dĂ©clarĂ©s jusqu’alors triviaux. Enfin, ils s’intĂ©ressent Ă  la nature d’une façon plus libre que leurs aĂźnĂ©s, cherchant Ă  transcrire les variations de la lumiĂšre, la fluiditĂ© des formes, pour animer leurs tableaux, suivant les postulats des peintres installĂ©s Ă  Barbizon, Ă  partir de 1850. Paul CĂ©zanne 1839-1906, face Ă  la Sainte-Victoire, contre l’art des bourgeois 4Pour donner plus de force Ă  son travail, CĂ©zanne Ă©carte les teintes sombres et les nuances trop lisses, façonne un modelĂ© qui lui est propre, constituĂ© de touches divisĂ©es, susceptibles de traduire la richesse de sa perception, comme de rĂ©vĂ©ler les aspects les plus secrets de la nature. Une peinture jaillie de l’intĂ©rieur, stimulante, celle des tripes », totalement dĂ©savouĂ©e par l’AcadĂ©mie des beaux-arts, voit ainsi le jour. Paul CĂ©zanne cherche, Ă  tĂątons, un art solide, Ă©quilibrĂ©, structurĂ©, porteurs de valeurs stables, universelles. Des annĂ©es s’écoulent avant que le style cĂ©zanien ne s’affirme. Certes, l’artiste a toujours recours aux lois plastiques qui sous-tendent toute Ɠuvre d’art, comme la loi de contraste des formes et des couleurs, la loi de composition et de reprĂ©sentation du sujet, mais il veut les utiliser autrement pour dĂ©couvrir la vraie nature de la peinture et lui confĂ©rer une structure durable. CĂ©zanne cĂŽtoie Pissarro et Armand Guillaumin 1841-1927 et participe, le 27 dĂ©cembre 1873, Ă  la fondation de la SociĂ©tĂ© anonyme coopĂ©rative des artistes-peintres avec Edgar Degas 1834-1917, Monet et Renoir. Lors de la premiĂšre exposition impressionniste de 1874, chez le photographe Nadar 1829-1910, le public rĂ©serve un accueil peu encourageant, voire scandalisĂ©, aux toiles de CĂ©zanne qui, dĂšs lors, dĂ©serte de plus en plus souvent la capitale. 5À partir de 1876, il se rĂ©fugie dans le Midi, et sĂ©journe Ă  L’Estaque, petit port environnĂ© d’une nature encore prĂ©servĂ©e, oĂč il peint des tableaux pour son ami Victor Chocquet 1821-1891. Ainsi, la plupart des Ɠuvres qui sont montrĂ©es Ă  la troisiĂšme manifestation du groupe impressionniste, en 1877, ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©es Ă  L’Estaque. Le public est toujours hostile Ă  l’art de CĂ©zanne, jugĂ© malhabile, brutal, mais l’artiste s’obstine dans ses recherches. À Paris, il peint un portrait, qui, plus tard, sera considĂ©rĂ© comme l’un de ses chefs-d’Ɠuvre, Madame CĂ©zanne Ă  la robe bleue, qui dĂ©tonne par une gamme de tons bleus trĂšs poussĂ©e, mais aussi par une dĂ©clinaison de verts remarquables. CĂ©zanne se voit comme l’artisan d’un art nouveau qui rejette toute convention bourgeoise, toute concession aux effets » Ă  la mode, et c’est dans une tenue d’ouvrier, cotte bleue et veste de toile blanche couverte de taches de peinture, qu’il travaille. En 1881 et 1882, l’artiste s’installe avec sa famille, Ă  Pontoise, prĂšs de Pissarro, avec lequel il dĂ©couvre les nouvelles thĂ©ories de la couleur, celles du chimiste français EugĂšne-Michel Chevreul 1786-1889 et du physicien amĂ©ricain Ogden Rood 1831-1902, qui nourrissent sa rĂ©flexion. Cette mĂȘme annĂ©e, il est admis au Salon, se dĂ©clarant l’élĂšve d’Antoine Guillemet 1841-1918 de l’école de Barbizon, mais il poursuit sa quĂȘte, de plus en plus solitaire. Il peint, dĂ©sormais, en appliquant des touches juxtaposĂ©es, et accentue la technique du clair-obscur pour obtenir des effets descriptifs forts sur ses toiles. Les paysages sont construits par plans successifs, suivant une perspective aĂ©rienne, dĂ©jĂ  utilisĂ©e par les impressionnistes, et constituĂ©s d’une succession de traits et de lignes disjointes, qui dĂ©crivent de façon de plus en plus synthĂ©tique les objets ou les figures. En 1883, CĂ©zanne en sait assez pour suivre, seul, son chemin, et il dĂ©cide de rentrer chez lui, en Provence, pour pousser plus loin ses investigations, dans l’atelier de la demeure familiale. L’artiste dĂ©veloppe sa technique en travaillant essentiellement sur le motif pour saisir la beautĂ© des paysages nimbĂ©s de soleil et transcrire le sens profond de leur nature. ViscĂ©ralement attachĂ© Ă  ses racines, il aime Ă©tudier sans relĂąche ses sujets, en pleine campagne, dans la solitude des paysages mĂ©diterranĂ©ens d’une austĂšre beautĂ©, prĂšs des carriĂšres de BibĂ©mus, du chĂąteau de Vauvenargues ou dans le village du Tholonet. 2 A. Lhote, Catalogue de l’exposition L’influence de CĂ©zanne, 1908-1911, 1947, p. 5. 6En 1886, l’artiste s’installe pour un an, Ă  Gardanne, avec sa famille, oĂč il commence une sĂ©rie de peintures sur la Sainte-Victoire qu’il reprĂ©sente comme sujet Ă  part entiĂšre, et de façon rĂ©currente, dans plus de quatre-vingts Ɠuvres, dĂ©veloppant un style de plus en plus Ă©purĂ©. La montagne provençale, rattachĂ©e dans son histoire gĂ©ologique, aussi bien Ă  l’ancienne chaĂźne pyrĂ©nĂ©enne, qu’à celle des Alpes occidentales, devient le cadre d’un laboratoire de recherche. Il ne s’agit pas, pour CĂ©zanne, de s’épancher sur une nature complice », mais de capter ses qualitĂ©s intrinsĂšques, son pouvoir Ă  exprimer une Ă©nergie, Ă  stimuler l’imaginaire, pour la transcender. La tradition acadĂ©mique considĂšre alors l’observation personnelle et sensible de la nature comme infĂ©rieure Ă  l’expĂ©rience intellectuelle, alors qu’elle permet aux premiers artistes de l’art moderne de trouver un support d’expression solide et variĂ©2. 7La peinture de CĂ©zanne suscite jusqu’en 1887, Ă  Paris, les railleries de dĂ©tracteurs qui parlent de visions cauchemardesques » et autres atrocitĂ©s Ă  l’huile ». Puis, grĂące aux collectionneurs Ă©clairĂ©s et Ă  des critiques indĂ©pendants, grĂące au soutien de marchands d’art comme Ambroise Vollard 1866-1939 et Durand-Ruel 1831-1922, elle finit par obtenir un vrai succĂšs. En 1888, une sĂ©rie d’articles mentionnent son Ɠuvre en termes flatteurs et il est admis Ă  l’exposition de l’Art français pour l’Exposition universelle de Paris de 1889. CĂ©zanne commence Ă  ĂȘtre reconnu et apprĂ©ciĂ© pour son audace picturale, la soliditĂ© de ses compositions, enfin, sa touche incomparable. Il peut, dĂšs lors, vivre de son art, mais il est dĂ©jĂ  malade, et effectue des cures pour se soigner. En 1906, alors qu’il est installĂ© sur le motif, l’artiste prend froid et contracte une pneumonie, dont il ne se remet pas. Il meurt le 22 octobre, chez lui, en Provence. 8À Paris, le monde de l’art est en deuil et lui rend hommage en organisant, au Grand Palais, pour le Salon d’automne de 1907, une grande rĂ©trospective de ses Ɠuvres. Le public dĂ©couvre ses baigneuses, ses natures mortes, ses portraits, ainsi que les paysages de la Sainte-Victoire, et salue le talent et la tĂ©nacitĂ© du peintre. Pour tous, il est clair, qu’aprĂšs CĂ©zanne, l’art ne sera plus le mĂȘme car l’hĂ©ritage pictural que le maĂźtre d’Aix transmet, met Ă  rude Ă©preuve ses anciens fondements. La montagne Sainte-Victoire devient, dĂšs lors, l’emblĂšme de la volontĂ© de l’artiste, tout debout contre l’ordre Ă©tabli, de rĂ©nover l’art, car elle a Ă©tĂ© le refuge de celui qui, en marge d’une sociĂ©tĂ© Ă©triquĂ©e et des dogmes de l’AcadĂ©mie des beaux-arts, a voulu se modifier lui-mĂȘme, en profondeur, pour dĂ©couvrir la vĂ©ritĂ© de la peinture. Henri Matisse 1869-1954, les fauves Ă  Collioure de la dynamite au pied des AlbĂšres 9En 1905, Henri Matisse 1869-1954, lui aussi, cherche la tranquillitĂ©, prĂšs de la montagne, pour entamer une longue mĂ©ditation sur la couleur et s’affranchir des postulats de la peinture acadĂ©mique, encore pesants, malgrĂ© les dĂ©fis lancĂ©s par les peintres postimpressionnistes, dans des toiles-manifeste. Matisse Ă©prouve bien des difficultĂ©s Ă  exprimer son propre tempĂ©rament de peintre et Ă  se libĂ©rer du cadre, encore rigide, des enseignements qu’il a reçus. Tout d’abord, Ă  Bohain, dans le Nord, puis Ă  l’École des Arts DĂ©coratifs de Paris, enfin, en 1895, Ă  l’École des beaux-arts, dans l’atelier de Gustave Moreau 1826-1898. Le maĂźtre symboliste encourage ses Ă©lĂšves Ă  penser leur peinture, Ă  la rĂȘver, au-delĂ  d’une virtuositĂ© technique, Ă  dĂ©passer leurs propres limites. Toutefois, aprĂšs son apprentissage, Matisse dĂ©cide de suivre les cours de l’AcadĂ©mie de la Grande ChaumiĂšre, dans l’atelier d’EugĂšne CarriĂšre 1849-1906, oĂč il rencontre AndrĂ© Derain 1880-1954, qui lui prĂ©sente Maurice de Vlaminck 1876-1958. Tous entretiennent une passion pour la peinture cĂ©zanienne. 10L’artiste est dĂ©jĂ  un peintre reconnu lorsqu’il arrive Ă  Collioure. En effet, en 1896, ses toiles ont Ă©tĂ© exposĂ©es au Salon de la SociĂ©tĂ© Nationale des Beaux-Arts, dont il est devenu membre associĂ©, sur proposition de Pierre Puvis de Chavannes 1824-1898. Cette fonction lui a permis de montrer, sans passer par un jury, un art expressif, qui s’inscrit dans l’air du temps. Matisse s’intĂ©resse, en effet, Ă  la peinture de son Ă©poque les impressionnistes, qu’il dĂ©couvre au musĂ©e du Luxembourg en 1897, et les pointillistes qui exercent une grande influence sur son travail, grĂące au traitĂ© du peintre Paul Signac 1863-1935 de 1899, D’EugĂšne Delacroix au nĂ©o-impressionnisme. Les Ɠuvres qu’il prĂ©sente au Salon des indĂ©pendants de 1901, puis Ă  la premiĂšre Ă©dition du Salon d’automne de 1903, en tĂ©moignent, tout comme celles qui figurent chez Vollard, lors de la premiĂšre exposition que le marchand consacre Ă  l’artiste en 1904. L’étĂ© suivant, Ă  Collioure, Matisse trouve le cadre idĂ©al pour mener ses recherches la mer, face Ă  lui, juste Ă  quelques mĂštres de la maison de pĂȘcheur qu’il a louĂ©e, et la montagne, la chaĂźne majestueuse des AlbĂšres, enserrant le petit port, offrent un spectacle stimulant. Les rochers, les collines, les bateaux, les petites chapelles environnantes, constituent des sujets de choix, qu’il traite avec talent. 11Rejoint par le jeune AndrĂ© Derain durant l’étĂ©, qui arrive avec de nouvelles idĂ©es, il s’attelle Ă  l’élaboration d’un langage original, qui va peu Ă  peu se dĂ©marquer de la peinture pointilliste qu’il a pratiquĂ©e, l’étĂ© prĂ©cĂ©dent, aux cĂŽtĂ©s de Paul Signac, Ă  Saint-Tropez. Les artistes exĂ©cutent ainsi, grĂące Ă  une collaboration quotidienne, des Ɠuvres emplies de soleil, aux forts contrastes, dynamisant des plans de couleur pure, qui feront sensation au Salon d’automne de Paris, en 1905, dans la cage aux Fauves. Le travail novateur de Matisse, dĂ©veloppĂ© dans des toiles telles que La femme au chapeau, ou IntĂ©rieur Ă  Collioure, aboutissant Ă  la disparition des rĂ©fĂ©rences au rĂ©el, par la dĂ©formation des lignes et l’élaboration de plans de plus en plus autonomes, rompt avec les conventions classiques de reprĂ©sentation. Matisse propose une peinture qui entame le concept de l’art comme esthĂ©tique plaisante, loin d’un idĂ©al de beautĂ© préétabli, dans des compositions rĂ©gies par l’émotion. PrĂšs de la montagne, il parvient Ă  redĂ©finir l’acte pictural, en harmonisant ses sentiments Ă  d’autres systĂšmes de reprĂ©sentation. Aux cĂŽtĂ©s de Derain, vĂ©ritable thĂ©oricien de la couleur, il est plus rĂ©ceptif au fait plastique pur et s’engage dans une nouvelle voie chromatique. 3 P. Schneider, Matisse, p. 45. 12GrĂące Ă  une rĂ©flexion poussĂ©e, les artistes ordonnent et Ă©quilibrent des zones de couleurs franches, parfois explosives, comme de la dynamite, dans leurs toiles, renonçant aux lois classiques de l’optique. Ils parviennent Ă  accroĂźtre la conscience de la rĂ©alitĂ© matĂ©rielle du tableau pour demeurer au plus prĂšs de la vie immĂ©diate d’un monde lumineux, fort et dense. Les peintres parisiens abandonnent le ton local pour passer aux tons non rĂ©alistes, en ayant recours aux aplats, et mettent fin Ă  la peinture illusionniste. Le sujet est traitĂ© comme un instantanĂ©, et s’impose dans une vision lyrique du monde avec une sensibilitĂ© qui n’exclut pas la dissonance. Tout un systĂšme d’équivalence triomphe du chaos lumineux et permet de restituer l’essence de chaque chose. L’acte pictural se charge d’une spiritualitĂ© nourrie par la matiĂšre et la couleur, fruit d’une mĂ©ditation Ă©clairĂ©e sur le monde. L’artiste effectue plusieurs sĂ©jours fructueux Ă  Collioure jusqu’à la guerre, oĂč il rencontre le sculpteur Maillol travaillant non loin, Ă  Banuyls-sur-Mer3. CĂ©zanne recommandait aux artistes d’aiguiser leur vision face Ă  la nature et d’observer les moindres dĂ©tails avec leur propre sensibilitĂ©, afin que la peinture demeure un art vivant, qu’elle ne dĂ©cline pas en se perdant dans la peinture des gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes. Tel fut le but de Matisse, mais aussi celui de Picasso, tout au long des divers sĂ©jours qu’il effectua prĂšs de la montagne, milieu naturel riche et poĂ©tique, qui allait inspirer le peintre et l’amener vers le cubisme. Pablo Picasso 1881-1973, la naissance d’un cubisme radical dans les PyrĂ©nĂ©es 13Pour les artistes en quĂȘte d’authenticitĂ©, comme CĂ©zanne, puis Matisse, la montagne constitua en effet, un ancrage moral et esthĂ©tique face aux prĂ©ceptes dominants des anciennes acadĂ©mies, et devint le symbole de leur rĂ©sistance aux institutions. Ce fut le cas, aussi, au tout dĂ©but du siĂšcle, pour le peintre Pablo Picasso, qui remit en cause l’enseignement des Ă©coles, dĂšs qu’il eut conscience de leurs limites et effectua plusieurs sĂ©jours prĂšs des montagnes. Fils d’un professeur d’art, Picasso reçut une formation artistique classique dĂšs son enfance, avant de suivre, en 1896, les cours de l’école des beaux-arts de Barcelone, puis ceux de la Llonja, oĂč son pĂšre enseignait. L’annĂ©e suivante, Ă  seize ans, il rĂ©ussit le concours d’entrĂ©e de l’AcadĂ©mie royale de San Fernando, et fut admis Ă  l’école des beaux-arts de Madrid, la plus prestigieuse d’Espagne, oĂč bien des artistes renommĂ©s avaient sĂ©journĂ©. Toutefois, le jeune homme ne poursuivit pas son enseignement Ă  San Fernando, qu’il trouvait trop contraignant, et qui ne lui permettait pas de suivre son propre tempĂ©rament. 14Aussi, retourna-t-il Ă  Barcelone, en 1898, pour travailler seul, mais il tomba malade. Il effectua sa convalescence Ă  Horta de Sant Joan, le village de son ami Manuel PallarĂšs 1876-1974, situĂ© prĂšs de la ville de Tarragone, oĂč il partagea la vie des paysans. Ce sĂ©jour de quelques mois fut, pour l’artiste, une vĂ©ritable rĂ©vĂ©lation. La prĂ©sence de la montagne, la Santa Barbara, le contact quotidien avec la nature, et un mode de vie campagnard, rustique, l’enthousiasma. Des visions puissantes, capables de nourrir son imaginaire, stimulĂšrent sa crĂ©ation, pendant de longues annĂ©es. Plus tard, l’artiste se plaira Ă  rĂ©pĂ©ter 4 R. Maillard et F. Elgar, Picasso, Ă©tude de l’Ɠuvre et Ă©tude biographique, p. 3. Tout ce que je sais, je l’ai appris dans le village de » 15En avril 1899, de retour Ă  Barcelone, Picasso, frĂ©quente le cabaret Els Quatre Gats, lieu de convivialitĂ© bohĂšme, oĂč les artistes peuvent exposer leurs Ɠuvres, Ă©changer leurs points de vue sur l’art. LĂ , il retrouve Miguel Utrillo 1883-1955, Carlos Casagemas 1880-1901, Ricardo Opisso 1880-1966, Julio Gonzalez 1876-1942, se lie d’amitiĂ© avec le poĂšte Jaime SabartĂšs 1881-1968 qui deviendra son secrĂ©taire particulier et expose quelques Ɠuvres en 1900. 16Picasso, aimait le pays de sa jeunesse, la Catalogne, mais il savait que ce serait une chance de le quitter pour parfaire sa formation et Ă©tudier les grands maĂźtres de la peinture Ă  Paris, destination obligatoire pour tout peintre qui avait de l’ambition. Plusieurs sĂ©jours dans la capitale l’aidĂšrent Ă  prĂ©ciser son orientation et ses choix esthĂ©tiques. À la pĂ©riode bleue, triste et dure, succĂ©da la pĂ©riode rose, nostalgique et dĂ©liquescente, qui trouva un public de connaisseurs et d’amateurs, le succĂšs fut vite au rendez-vous. Cependant, pour faire partie des maĂźtres les plus douĂ©s de sa gĂ©nĂ©ration, l’artiste devait Ă©laborer un nouveau langage et la tĂąche Ă©tait ardue. En 1905, il fut chargĂ© de faire le portrait de Gertrude Stein 1874-1946, une poĂ©tesse amĂ©ricaine qui soutenait le jeune Catalan et il lui fallait se dĂ©marquer de son principal rival, Matisse, pour satisfaire son mĂ©cĂšne. Pour se lancer dans de nouvelles expĂ©rimentations, il chercha Ă  regagner son pays afin de s’immerger dans un monde qui l’avait fortement inspirĂ©, quelques annĂ©es auparavant, celui de la montagne, et aller au-delĂ  de ce que les Ă©coles lui avaient appris. 17Picasso partageait avec Matisse, Derain, Georges Braque 1882-1963 et d’autres artistes de sa gĂ©nĂ©ration, un vif sentiment d’admiration pour CĂ©zanne et son Ɠuvre. Il voulait, comme lui, rester au contact de son pays natal, pour se fortifier et progresser. À l’instar du maĂźtre d’Aix, il Ă©prouvait ce sentiment qu’ont les MĂ©diterranĂ©ens que leur terre est celle des dieux, oĂč sont nĂ©es les grandes mythologies, et qu’elle constitue pour les crĂ©ateurs une source d’inspiration inĂ©puisable. Comme CĂ©zanne, il pensait qu’il fallait s’éloigner du monde artistique parisien pour s’imprĂ©gner d’une nature non domestiquĂ©e par l’homme, afin de rĂ©vĂ©ler la vĂ©ritĂ© de la peinture. 18Pour rĂ©nover son art, Picasso effectue alors, durant l’étĂ© 1906, un sĂ©jour en Catalogne, dans un village de montagne trĂšs retirĂ©, accessible uniquement Ă  dos de mulet, nommĂ© GĂłsol. Le massif de Pedraforca, qui ferme de façon imposante la perspective de la petite vallĂ©e, offre un spectacle grandiose, comme celui de la Sainte-Victoire, et l’artiste peut aller sur le motif pour capturer des images. La volontĂ© du peintre de produire un art diffĂ©rent est autant soutenue par la quĂȘte d’un retour Ă  la nature et aux racines, prĂŽnĂ© par CĂ©zanne, que par la recherche de nouvelles rĂ©fĂ©rences puisĂ©es dans l’art de Gauguin 1848-1903, le Greco ou encore empruntĂ©es Ă  l’art roman et ibĂ©rique local. Le travail effectuĂ© Ă  GĂłsol a un impact majeur sur l’Ɠuvre de Picasso puisqu’il dĂ©bouche sur l’achĂšvement du Portrait de Gertrude Stein, qui prĂ©sente des inventions sans prĂ©cĂ©dent, comme la rĂ©duction du visage humain Ă  son masque, marquant un jalon dans l’histoire du portrait. À la suite de ce sĂ©jour fĂ©cond, naĂźt un chef-d’Ɠuvre, Les Demoiselles d’Avignon dont l’angulositĂ© des volumes annonce le premier cubisme. 5 Fernande Olivier 1881-1966, de son vrai nom, AmĂ©lie Lang, compagne de l’artiste de 1904 Ă  1912. ... 19En 1909, grĂące Ă  la vente de toiles, l’artiste effectue un autre sĂ©jour en Espagne. Il gagne Horta de Sant Joan, oĂč il avait sĂ©journĂ© dans sa jeunesse, Ă  la suite d’une maladie, chez son ami PallarĂšs. Tout prĂšs de la montagne Santa Barbara, il rĂ©alise des Ɠuvres remarquables comme Usines Ă  Horta, le RĂ©servoir de Horta de Sant Joan, ou encore des portraits de Fernande5, au cou-montagne », qui poussent toujours plus loin les postulats cĂ©zanniens. L’artiste Ă©labore une nouvelle syntaxe, bouleversant les principes classiques de perspective et de modelĂ©, basĂ©e sur un systĂšme rythmĂ© de formes et de couleurs, dĂ©finissant le cubisme analytique. Picasso est alors reconnu comme un artiste et il veut approfondir ses recherches. Il effectue alors un troisiĂšme sĂ©jour prĂšs de la montagne, durant l’étĂ© 1910, dans un petit port du Cap de Creus, CadaquĂšs, oĂč il s’établit avec sa compagne Fernande. Il veut aller jusqu’au bout de sa dĂ©marche, ne faire aucune concession au naturalisme pour rompre dĂ©finitivement avec les rĂšgles de reprĂ©sentation illusionniste acadĂ©mique. Il exĂ©cute alors des Ɠuvres frĂŽlant l’abstraction, telles que Guitariste, ou encore Port de CadaquĂšs, qui mĂšnent Ă  un cubisme conceptualisĂ©, mental. Bien qu’entourĂ© de montagnes, de sujets marins fortement Ă©vocateurs, le rĂ©el disparaĂźt. La prĂ©sence d’AndrĂ© Derain, l’ancien collaborateur de Matisse Ă  Collioure, le conforte dans sa dĂ©marche. 6 Eva Gouel 1885-1915, nĂ©e Marcelle Humbert, chorĂ©graphe et modĂšle de Picasso de 1911 Ă  1915. 20De 1911 Ă  1914, Picasso revient Ă  la montagne, effectuant plusieurs sĂ©jours Ă  CĂ©ret, en Catalogne du nord. Au pied du Pic de FontfrĂšde, montagne marquant la frontiĂšre avec l’Espagne, l’artiste connaĂźt une pĂ©riode de grande effervescence, aux cĂŽtĂ©s des peintres cubistes Braque, Auguste Herbin 1882-1960 et Juan Gris 1887-1927. Des Ɠuvres novatrices, marquĂ©es par une composition pyramidale, rappelant la montagne, comme L’IndĂ©pendant, de plus en plus Ă©laborĂ©es, voient alors le jour. En 1912, Ă  la suite d’alĂ©as sentimentaux, il effectue, enfin, un sĂ©jour en Provence avec sa nouvelle compagne Eva6. À Sorgues, prĂšs du Mont Ventoux, il agence des formes gĂ©omĂ©triques pures, et multiplie les expĂ©rimentations techniques, dans des compositions inventives, qui aboutissent aux collages et engendrent, comme le voulait CĂ©zanne, une nouvelle rĂ©flexion sur la nature de l’art. Les sĂ©jours prĂšs de la montagne ont marquĂ© la production de Picasso de façon Ă©loquente. Les expressionnistes allemands et les Alpes de BaviĂšre, comme un volcan bouillonnant 21En Allemagne aussi, les artistes les plus avancĂ©s sont convaincus que les Ɠuvres d’aprĂšs l’antique ne tiennent plus, et que les arts doivent ĂȘtre natifs de la terre mĂȘme oĂč leur inspiration se dĂ©veloppe, car seule la terre peut les vivifier, apporter des rĂ©ponses proches de la rĂ©alitĂ© et des nouvelles considĂ©rations esthĂ©tiques, philosophiques, sociologiques, culturelles. La montagne, repĂšre majestueux d’un espace et vĂ©ritable concentrĂ© d’une nature originelle, symbolise ce postulat Ă©mergeant en Allemagne, valorisant le sentiment d’appartenance Ă  un territoire, Ă  une histoire personnelle et collective. En tant que trait fort du paysage, elle incarne l’identitĂ© d’un pays, Ă©tablie depuis des temps anciens, mais aussi la relation sentimentale de l’homme avec un lieu. Les Alpes de BaviĂšre deviennent ainsi le théùtre d’un renouveau artistique sans prĂ©cĂ©dent. 22AprĂšs la mort de CĂ©zanne, le 22 octobre 1906, les peintres installĂ©s en Allemagne commencent Ă  s’intĂ©resser aussi au rĂŽle du lieu de crĂ©ation, Ă  la façon dont on peut expĂ©rimenter les formes et les couleurs, loin de la ville. Remettant en cause la sociĂ©tĂ© industrielle, la pression nĂ©faste de la culture dominante sur l’art, ils veulent rĂ©former leur attitude, leur fonctionnement personnel. Comme le maĂźtre d’Aix, ils dĂ©cident de travailler sur le motif, dans une nature prĂ©servĂ©e, de cĂŽtoyer une population encore liĂ©e Ă  la terre, Ă©voluant parmi des formes simples, voire primitives, pour rĂ©nover le langage plastique. Outre-Rhin, la montagne, symbole de mĂ©tamorphoses de grande envergure, assimilĂ©e Ă  un volcan bouillonnant, incarnant un dĂ©sir de libertĂ© et de retour vers les forces et les lois fondamentales de la nature, joue ainsi un rĂŽle important dans le parcours de grands maĂźtres de la modernitĂ© tels que Vassily Kandinsky 1866-1944, Paul Klee 1879-1940, Alexej von Jawlensky 1864-1941 ou encore Frantisek Kupka. Ainsi, Ă  partir de 1908, des artistes quittent la ville de Munich pour passer l’étĂ© Ă  Murnau, un village pittoresque de Haute-BaviĂšre, oĂč la lumiĂšre est apprĂ©ciĂ©e pour sa subtilitĂ©, et oĂč la montagne créée un espace majestueux. Le lieu, exaltant, inspire Ă  plusieurs peintres, dont Kandinsky, Jawlensky, Gabriele MĂŒnter 1877-1962 et Marianne von Werefkin 1860-1938, une palette expressive, qui donne vie Ă  de flamboyants paysages. L’image de la montagne, et sa silhouette imposante, est omniprĂ©sente dans les Ɠuvres créées Ă  Murnau, et la palette des fauves, qui ont travaillĂ© Ă  Collioure, est reprise avec un sens chromatique Ă©blouissant. De ce contexte particulier naĂźt, en 1911, un mouvement de rĂ©novation tournĂ© vers l’expressionnisme, dirigĂ© par Kandinsky, consolidĂ© par August Macke 1887-1914 et Franz Marc 1880-1916, le Blaue Reiter » le cavalier bleu, qui 7 A. Vezin, L. Vezin, Kandinsky et le Cavalier bleu, p. 223. Vise Ă  montrer, par la diversitĂ© des formes reprĂ©sentĂ©es, comment le dĂ©sir intĂ©rieur des artistes peut prendre des formes » 23En effet, Vassily Kandinsky 1866-1944 cherche Ă  rĂ©nover l’art pour en faire une arme contre la sociĂ©tĂ© industrielle, capitaliste, jugĂ©e dĂ©cadente. En 1908, il s’éloigne de Munich, et d’une culture convenue, pour effectuer des sĂ©jours Ă  Murnau, avec sa compagne Gabriele MĂŒnter. Il s’immerge dans une nature de haute montagne, baignĂ©e de lumiĂšre, renouant avec un monde simple, et son Ɠuvre commence Ă  se transformer. Une peinture de 1909 intitulĂ©e La Montagne bleue rĂ©sume les recherches de cette pĂ©riode et annonce le tournant pris par l’artiste vers un art plus libre. Le large emploi de la couleur, dans un style expressionniste, et la simplification des formes aboutissent Ă  un traitement non-figuratif du sujet. Ce que Kandinsky appelle le chƓur des couleurs », est un vocabulaire colorĂ©, issu de la peinture cubiste et fauve, qui peut se charger d’un fort pouvoir Ă©motionnel et d’une dimension cosmique dynamique. 24L’annĂ©e suivante, Kandinsky peint sa premiĂšre Ɠuvre abstraite intitulĂ©e, Sans titre, une crĂ©ation spirituelle qui ne procĂšde que de la seule nĂ©cessitĂ© intĂ©rieure de l’artiste, dans le sillage des Improvisations. En 1911, il Ă©crit un traitĂ© d’esthĂ©tique, Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, oĂč il invite le crĂ©ateur Ă  substituer, Ă  l’apparence visible, la rĂ©alitĂ© pathĂ©tique et invisible de la vie. Il veut ainsi redĂ©finir l’objectif de l’Ɠuvre d’art 8 V. Kandinski, Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, p. 21. Une Ɠuvre d’art n’est pas belle, plaisante, agrĂ©able. Elle n’est pas lĂ  en raison de son apparence ou de sa forme qui rĂ©jouit nos sens. La valeur n’est pas esthĂ©tique. Une Ɠuvre est bonne lorsqu’elle est apte Ă  provoquer des vibrations de l’ñme, puisque l’art est le langage de l’ñme et que c’est le seul. [
] L’art peut atteindre son plus haut niveau s’il se dĂ©gage de sa situation de subordination vis-Ă -vis de la nature, s’il peut devenir absolue crĂ©ation et non plus imitation des formes du modĂšle » 25Jusqu’à la guerre, Kandinsky continue d’inventer des formes conduisant Ă  un langage abstrait qu’il veut rĂ©volutionnaire, pour exprimer l’intĂ©rioritĂ© spirituelle abstraite, en perpĂ©tuelle Ă©volution. Dans sa production des annĂ©es vingt, il combine les formes gĂ©omĂ©triques et les couleurs pour rĂ©vĂ©ler un monde mystĂ©rieux, issu de la musique, ou du cosmos, parfois rĂ©sumĂ© Ă  une Ă©pure. Des tableaux comme Schwarzer Raster 1922, ou Einige Kreise 1926, oĂč son trait s’est solidifiĂ©, montrent un lyrisme cĂ©rĂ©bral. Dans Steroscopic exhibition, les deux triangles aigus bleutĂ©s, dynamisant la composition, sont, pour cet artiste cultivĂ©, une sorte de private joke ». 26À partir de 1910, Paul Klee 1879-1940 se rapproche des peintres de la montagne » qui posent de nouvelles problĂ©matiques, liĂ©es Ă  la nature et Ă  l’objectif de l’art. Comme eux, il est convaincu que la notion d’idĂ©al et de beautĂ© est tout Ă  fait dĂ©suĂšte, dĂ©passĂ©e. Certes, l’artiste, dont l’Ɠuvre est intuitive, a une personnalitĂ© bien affirmĂ©e. RefusĂ© Ă  l’AcadĂ©mie des beaux-arts de Munich en 1898, il est dirigĂ© vers l’atelier d’Heinrich Knirr oĂč il Ă©tudie le dessin figuratif. En 1900, il est finalement admis aux Beaux-Arts, dans la mĂȘme classe que Kandinsky, mais Ă  l’instar du jeune artiste russe, il a dĂ©jĂ  dĂ©fini son objectif artistique et il entend peindre selon sa propre conception du monde. Il se rend Ă  Paris en 1912 et dĂ©couvre chez les marchands l’art des cubes ». Il s’intĂ©resse aux Ɠuvres de Robert Delaunay 1885-1941, Braque, Picasso, et Derain, dĂ©positaires de l’hĂ©ritage artistique de Paul CĂ©zanne, qui fait l’objet de nombreuses Ă©tudes. Les inventions des pionniers du cubisme et des collages, Picasso et Braque, ont alors atteint tous les cercles d’art et suscitĂ© un vif enthousiasme. Le traitĂ© rĂ©digĂ© par Jean Metzinger 1883-1956 et Albert Gleizes 1881-1953 en 1912, Du cubisme, a permis de diffuser Ă  l’étranger les principes d’une esthĂ©tique qui fait scandale, car elle incite les artistes Ă  refuser toute convention de reprĂ©sentation. L’annĂ©e suivante, Paul Klee traduit un texte de Robert Delaunay qui l’intĂ©resse particuliĂšrement, De la lumiĂšre, et a recours, pour rĂ©nover son art, aux principes esthĂ©tiques orphistes » dĂ©veloppĂ©s par les Delaunay, Sonia et Robert, qu’il invite en Allemagne, pour y exposer leurs Ɠuvres. 27En 1914, Klee rejoint le Blaue Reiter », et fonde avec Jawlensky, Kandinsky, MĂŒnter et Alexander Kanoldt 1881-1939, un mouvement artistique rĂ©novateur, La Nouvelle SĂ©cession » de Munich. Puis il entreprend un voyage en Tunisie avec ses amis Macke et Louis Moilliet 1880-1962. En avril, avant d’embarquer Ă  Marseille, i1 sĂ©journe Ă  L’Estaque, dans l’intention de photographier le viaduc peint par CĂ©zanne et Braque, qu’il admire. Lorsque la guerre Ă©clate, les artistes doivent trouver refuge dans les pays neutres pour continuer de peindre ou s’engager. Jawlensky et Kandinsky, de nationalitĂ© russe, doivent s’exiler. August Macke est tuĂ© sur le front de Champagne, le 26 septembre 1914, tout comme Franz Marc, l’ami de toujours, le sera deux ans plus tard Ă  Verdun. MobilisĂ©, Klee obtient, grĂące Ă  son pĂšre, d’ĂȘtre affectĂ© dans un rĂ©giment de rĂ©serve Ă  Munich oĂč il peut encore exercer son art. En cette pĂ©riode, Ă©prouvĂ© par les Ă©vĂ©nements, ses sensations sont intenses et prĂšs des montagnes, notamment la Zugspitze, dans le massif du Wetterstein, la production de l’artiste se transforme, marquant un rĂ©el tournant stylistique. En 1917, il expose Ă  la galerie Der Sturm de Berlin, et son travail remporte un grand succĂšs. On note que Klee a intĂ©grĂ© l’idĂ©e de rĂ©volution dans son art, ayant pris conscience que l’art moderne est un dĂ©fi jetĂ© Ă  la culture bourgeoise, avec, pour emblĂšme, le triangle, une forme gĂ©omĂ©trique universelle, qui figure dans une aquarelle devenue cĂ©lĂšbre, Le Niesen, datĂ©e de 1915. 28Dans cette Ɠuvre, l’imposante masse pyramidale du Niesen, culminant Ă  2 563 mĂštres, est reprĂ©sentĂ©e selon les prĂ©ceptes du maĂźtre d’Aix, dans un style qui oscille entre le fauvisme et le cubisme triomphant. La montagne est traitĂ©e avec un lavis bleu azur, lui confĂ©rant une lĂ©gĂšretĂ© mĂ©taphysique, rĂ©sonnant avec les aplats bigarrĂ©s, lumineux des arbres, de forme orthogonale. 9 P. Klee, ThĂ©orie de l’art moderne, p. 11. 29Paul Klee, qui avait dit je suis Dieu9 », a rempli le ciel d’étoiles scintillantes, cĂŽtoyant la lune et le soleil, pour crĂ©er une ambiance onirique. L’hĂ©ritage cubiste est bien prĂ©sent dans cette belle composition qui est un prĂ©lude aux chefs-d’Ɠuvre qui toucheront le public par leur sincĂ©ritĂ© expressive, comme Senecio, de 1922, ou ChĂąteau et soleil, de 1928. 10 P. BrullĂ©, Catalogue de l’exposition Frantisek Kupka, 2016. 30De son cĂŽtĂ©, le peintre tchĂšque Frantisek Kupka 1871-1957 tisse aussi un lien particulier avec la montagne. Dans une Ɠuvre emblĂ©matique, MĂ©ditation, 1897 il s’est reprĂ©sentĂ© nu, agenouillĂ© devant un imposant paysage de montagne. L’artiste se pose des questions cruciales pour l’évolution de son art, quant Ă  la rĂ©alitĂ© des choses et leur reprĂ©sentation. La montagne lui rĂ©vĂšle l’articulation entre physique et mĂ©taphysique, entre phĂ©nomĂšne et noumĂšne, l’interroge sur le sens de la vie. Kupka s’installe Ă  Paris en 1896 et devient l’auteur d’une crĂ©ation picturale trĂšs originale. Il est le premier Ă  affronter le public avec des Ɠuvres non figuratives lors du salon d’automne de 1912. Il crĂ©e une autre rĂ©alitĂ©, rejetant toute rĂ©fĂ©rence au monde sensible10. 31La rĂ©novation voulue par le maĂźtre d’Aix permet aussi de donner un statut moderne Ă  l’art des cubo-futuristes russes, thĂ©orisĂ©, en 1912, par le peintre du suprĂ©matisme, Kasimir Malevitch 1879-1935, qui conçoit le CarrĂ© blanc sur fond blanc, jugĂ© scandaleux, en 1918, puis, Ă  celui des constructivistes rĂ©volutionnaires, tout debout contre l’ordre ancien » 11 Marcade, Catalogue de l’exposition Le futurisme, 2008-2009, p. 59. Malevitch avait bien vu que le principe dynamique Ă©tait dĂ©jĂ  prĂ©sent, Ă  l’état d’embryon, chez Paul CĂ©zanne et, Ă  sa suite, dans les toiles cĂ©zannistes gĂ©omĂ©triques de Georges Braque ou de Pablo » 32Dans son manifeste Une gifle au goĂ»t du public, David Burliouk 1882-1967 avait rĂ©affirmĂ© que Paul CĂ©zanne, le gardien de la Sainte-Victoire, Ă©tait le pĂšre de toute l’avant-garde picturale, un mouvement de contestation international qui mena, aprĂšs la Grande Guerre, Ă  l’anti-art. Dada, fruit de la rĂ©bellion systĂ©matique contre toute esthĂ©tique Ă©tablie, vit, lui aussi le jour prĂšs de pics majestueux, Ă  Zurich, la capitale de la Suisse alĂ©manique. L’art de l’absurde, d’Hugo Ball 1886-1927, Tristan Tzara 1896-1963, Richard Huelsenbeck 1892-1974 et Francis Picabia 1879-1953, dĂ©boucha sur le surrĂ©alisme, qui Ă©voluera sur les hautes terres de l’inconscient et de la folie, avant d’ĂȘtre stoppĂ© net par le chaos de la Seconde Guerre mondiale. La montagne et l’art moderne 33La montagne, repĂšre-tĂ©moin de parcours crĂ©atifs exemplaires, peut ĂȘtre vue comme le fil reliant les Ɠuvres d’artistes modernes, d’origine et de cultures variĂ©es, Ă  celles de Paul CĂ©zanne. Ceux-ci ont cherchĂ© Ă  porter un nouveau regard sur la nature, l’opposant de façon aiguĂ« au nouveau monde industriel, asservissant et dĂ©gradant l’homme. La montagne, vĂ©ritable concentrĂ© de nature, monde prĂ©servĂ© et intact, leur a fourni un refuge pour s’interroger, en se donnant pour mission, Ă  l’instar du maĂźtre d’Aix, d’investir le paysage, afin que celui-ci cesse d’ĂȘtre un document gĂ©ographique, ou scientifique, pour devenir un exercice purement plastique et psychologique. Ce dernier considĂ©rait l’Ɠuvre comme un tĂ©moignage particulier, d’un moment d’introspection et de rĂ©flexion du peintre face Ă  la nature. L’homme, tout entier, devait se transformer pour apporter au tableau sa vraie substance, par un regard plus perçant et plus conscient, tant sur le monde, que sur lui-mĂȘme. Pour CĂ©zanne, la Sainte-Victoire Ă©tait l’un des moyens d’y parvenir. Cette derniĂšre devint l’emblĂšme de la volontĂ© de l’artiste, debout contre l’ordre Ă©tabli, de rĂ©nover l’art en profondeur. La montagne peut ainsi ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme le symbole de la rĂ©volte contre les diktats des acadĂ©mies qui a rassemblĂ© les plasticiens voulant puiser tant dans une idĂ©ologie vivante que dans un environnement Ă  forte identitĂ©. 34Picasso et Matisse ont aussi cherchĂ© dans la nature des rĂ©ponses Ă  des questions cruciales. Matisse, bien qu’installĂ© prĂšs de la mer, Ă  Collioure, s’est imprĂ©gnĂ© de la dimension mystique et sauvage des AlbĂšres, enserrant le port, pour Ă©laborer son langage fauve. De mĂȘme, la montagne, vĂ©ritable laboratoire de recherche Ă  ciel ouvert, a incarnĂ© pour Picasso autant une volontĂ© crĂ©ative sans borne, qu’une farouche opposition aux rĂšgles des Beaux-Arts. L’immersion de Picasso dans le milieu montagnard, de 1906 Ă  1914, de Gosol Ă  CĂ©ret, le propulsa sur le devant de la scĂšne. Les sĂ©jours prĂšs de la montagne ont marquĂ©, de façon Ă©loquente, l’évolution du style des deux artistes, rendant hommage, par une dĂ©marche forte, au bon dieu de tous les peintres ». En effet, plusieurs Ɠuvres significatives de la modernitĂ© attestent que la montagne, entitĂ© puissante, Ă  la fois physique et mĂ©taphysique, propice Ă  une rĂ©flexion sur le sens et la nature du rĂ©el et de l’art, a constituĂ© le lieu privilĂ©giĂ© de la rĂ©sistance aux anciens prĂ©ceptes, et nourri une expression plus dynamique. Les artistes allemands et ceux d’Europe du Nord, trouvĂšrent aussi dans le milieu montagnard les conditions propices Ă  la formulation d’un art qui ne s’attache plus Ă  la rĂ©alitĂ© physique mais aux Ă©tats d’ñme du crĂ©ateur. 35Selon Kirchner, les peintres ne devaient plus s’imposer de rĂšgles et l’inspiration devait couler librement afin de donner une expression immĂ©diate Ă  leurs pressions psychologiques. La production de Kandinsky, rĂ©alisĂ©e Ă  Murnau dĂšs 1909, affirmait un art dĂ©nuĂ© de sa fonction de reproduction du rĂ©el pour renforcer sa composante subjective jusqu’à formuler une abstraction lyrique, issue d’un profond dĂ©sir spirituel qu’il appelait la nĂ©cessitĂ© intĂ©rieure », et qu’il tenait pour un principe essentiel de l’art. Paul Klee, prĂšs des monts Zugspitze dans les Alpes, aprĂšs des mois d’une longue maturation et d’une intense rĂ©flexion thĂ©orique au contact de la montagne, fondĂ©e sur son expĂ©rience et sur une dĂ©marche esthĂ©tique proche de celle des Delaunay, Ă©mit lui aussi de nouveaux principes sur la forme et la couleur, et exposa la premiĂšre thĂ©orie systĂ©matique des moyens picturaux purs, qui conduisit Ă  une clarification exceptionnelle des possibilitĂ©s contenues dans les procĂ©dĂ©s abstraits. De tels procĂ©dĂ©s seront Ă©galement explorĂ©s par les cubo-futuristes russes et par le maĂźtre du suprĂ©matisme, MalĂ©vitch, enfin, par Kupka, dont la rĂ©flexion se calquait sur l’image de la montagne, comme le montre l’Ɠuvre MĂ©ditation. 36Ainsi, tout comme on ne peut pas regarder la production de CĂ©zanne sans penser Ă  sa relation avec la Provence et la Sainte-Victoire, on ne peut ignorer le rĂŽle jouĂ© par la montagne, selon un principe de filiation spirituel inĂ©dit, dans l’évolution du sentiment esthĂ©tique de plusieurs figures majeures de l’art du xxe siĂšcle, qui mena Ă  l’élaboration de nouvelles thĂ©ories, et ouvrit la voie aux avant-gardes les plus audacieuses. cr82W. 173 402 20 378 65 80 22 156 494

mode de vie des artistes en marge de la société